La vieille maison de Damas est remplie d’étudiants immergés dans leurs études, du patio autour de la fontaine jusqu’à l’étage. Un silence presque religieux domine la zone d’étude de Bab Touma, en contraste net avec l’agitation du souk de la vieille ville. Samia, qui a choisi de ne pas révéler son vrai nom, est une habituée. Depuis trois ans, elle s’y rend tous les jours après ses cours à la faculté d’ingénierie de l’université de Damas. Pour une petite contribution, elle a accès à Internet, à l’électricité et à un calme inexistant dans sa maison familiale de Kafr-Sousah, où elle réside avec un frère et une sœur.
Les « carnets de Syrie » sont une collection de reportages réalisés en 2024. Par mesure de sécurité, certaines sources ont choisi de parler sous des pseudonymes et les auteurs des récits ont préféré rester anonymes.
Toujours prête à entamer une conversation avec une blague et un large sourire, cette jeune femme de 25 ans a créé un cercle d’amis dans ce lieu, y compris un petit ami. Comme tous les futurs ingénieurs, médecins, graphistes et architectes qu’elle y rencontre, ils partagent un rêve commun : l’exil. La guerre civile qui sévit depuis 2011 a déjà contraint plus de 5 millions de Syriens à chercher refuge ailleurs. La situation économique déplorable et l’obligation du service militaire provoquent une nouvelle vague d’émigration parmi la jeunesse habitant les zones sous contrôle du régime de Damas.
Après avoir décroché son master l’année prochaine, Samia envisage de quitter son pays. Elle partage que beaucoup de ses amis partagent ce désir de départ, à l’exception de quelques-uns qui sont restreints par leurs parents ou aux bénéficiaires d’un emploi stable au pays après leurs études universitaires. C’est un phénomène relativement nouveau pour les femmes, en particulier pour les femmes de foi musulmane comme elle. En portant un voile noir et une tunique colorée, Samia indique qu’autrefois, il était interdit de voyager sans un chaperon, mais que maintenant c’est acceptable puisqu’elles ont des proches à l’étranger.
La mère de Samia a refusé un visa proposé par l’Allemagne à la famille en 2017. La tante de Samia a été la première à faire le pas, il y a quatre ans, suite au décès de son époux, emmenant avec elle ses enfants. Une cousine a suivi son exemple, elle est maintenant mariée et mère de deux enfants. Ce départ avait d’abord choqué la famille, mais tout le monde est maintenant convaincu que c’est la meilleure chose à faire, affirme Samia. Même l’idée de démarrer une famille en Syrie semble invraisemblable à l’heure actuelle. Samia et son ex-petit ami, un titulaire d’un master en ingénierie mécanique, ont dû mettre fin à leur relation. Il voulait s’engager, mais il n’a pas l’argent nécessaire pour la dot et doit donc aller à l’étranger pour économiser, ce qui pourrait prendre du temps. Selon Samia, ils ont conclu par rester simplement amis.
De son côté, Samia est devenue bilingue en anglais en visionnant des films américains. Elle souhaiterait migrer vers l’Angleterre, mais les visas y sont limités. Elle se tourne donc vers l’Allemagne, un pays qui a déjà accueilli plus d’un million de réfugiés syriens pendant la guerre et qui continue d’offrir des programmes d’accueil pour les étudiants et les jeunes diplômés syriens. Elle se familiarise avec l’allemand grâce à des tutoriels en ligne, car elle n’a pas les moyens de payer des cours privés.
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