A partir des pics qui dominent Derna en Libye, la vaste étendue bleue de la Méditerranée est voilée par un épais nuage de poussière. Cela indique la métamorphose de la ville qui est aujourd’hui un immense site de construction, suite à sa destruction due à une inondation soudaine il y a un peu plus d’un an. Dans la nuit entre le 10 et le 11 Septembre 2023, la rupture de deux barrages, qui contenaient un volume d’eau record suite à la tempête Daniel, a dévasté une partie de cette ville qui abrite environ 100 000 personnes. Elle a causé la mort d’au moins 5 923 personnes, selon les dernières statistiques du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires de l’ONU. Le bilan final de cette catastrophe n’est toujours pas connu car des milliers de personnes sont toujours portées disparues.
De nouveaux édifices émergent ici et là dans le labyrinthe de rues, en plus de la rénovation des bâtiments endommagés par le désastre. Pour permettre aux résidents d’éviter de revivre quotidiennement le trauma, deux ponts seront bientôt construits sur le lit de la rivière sèche qui coupe la ville en deux. Au pied de l’un des travaux en cours, un énorme portrait du Maréchal Khalifa Haftar, le dirigeant de l’autoproclamée « Armée Nationale Libyenne » (ANL), qui contrôle les régions est et sud du territoire libyen, est affiché sur un échafaudage pour rappeler qui règne sur place.
Belgacem Haftar, fils de 43 ans et ingénieur formé, a pris les rênes du Fonds de développement et de reconstruction, doté de 10 milliards de dinars libyens (environ 1,9 milliard d’euros) accordé par le Parlement de Benghazi (Est). Cette nouvelle dimension de la famille, axée sur les affaires et les investissements, contraste avec les profils militaires de son père et de deux de ses frères, Saddam et Khaled, qui occupent des postes de commandement de l’ANL. Lors d’une réunion d’ingénieurs au siège local du fonds – un complexe tout neuf-, Belgacem Haftar s’est exprimé le lundi 9 septembre, se réjouissant de l’avancement des travaux à Derna, qu’il estime à 70%.
De son côté, Anweige Almasawari circule avec prudence dans sa voiture sur la rive gauche de la rivière autrefois au cœur de la ville. Il y a un an, la rue commerciale de Hchicha et ses environs ont été ensevelis sous les décombres, emprisonnant d’innombrables cadavres. Malgré le silence morose qui y règne toujours, la plupart des débris ont été éliminés. « Le fonds a réussi à rouvrir des routes, à débloquer la ville et à redonner espoir à la population », se félicite ce père et professeur à l’université de Derna, tout en relativisant les progrès annoncés : « 70% ? Nous en sommes encore loin. »
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