Au rez-de-chaussée de l’hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine), derrière le stand qui sert de snack-bar et de kiosque à journaux, se trouve le service d’aide médicale à la procréation (AMP), conçu pour soutenir les femmes et les couples ayant des problèmes de fertilité. Mais la professeure Marine Poulain, en charge de l’unité de biologie reproductrice, a une autre perspective ce matin de juillet. Revenue d’Amsterdam, où s’est tenu le congrès annuel de la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE) au début du mois, elle remarque le manque de travaux de recherche présentés par les équipes françaises. Cela tient en partie au fait que les régulations françaises sont plus strictes qu’en Belgique ou au Royaume-Uni sur la recherche embryonnaire humaine.
Un autre obstacle provient d’une pression latente de la Fondation Jérôme Lejeune, proche des cercles catholiques, qui multiplie les attaques judiciaires contre les chercheurs français. Nommée d’après le co-découvreur de la trisomie 21, la fondation a demandé l’annulation de 61 autorisations de recherche délivrées par l’Agence de la biomédecine (ABM) à des équipes scientifiques, principalement de l’Inserm et du CNRS, depuis son premier recours en 2008. Indépendamment du fait que leurs plaintes sont rejetées dans neuf cas sur dix, l’effet est dévastateur. « Nous menons nos projets de recherche sous la constante menace d’un glaive de Damoclès, » affirme Marine Poulain.
La Fondation Jérôme Lejeune a subi un autre coup dur. Le 2 juillet, la Cour Administrative d’Appel de Versailles a officiellement approuvé l’autorisation qui avait été accordée en 2017 à une équipe de Lille pour effectuer des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines dans l’espoir de développer des thérapies cellulaires pour le diabète de type 1. Après près de sept ans de procédures judiciaires qui ont débuté au Tribunal Administratif, continué en appel et finalement fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, avant de revenir à la Cour de Versailles, ce verdict a été prononcé. L’enjeu au cœur de ce débat concernait… un problème concernant l’omission d’adresse dans un formulaire. La situation semble plus rappeler le harcèlement juridique que les buts exprimés par la Fondation Jérôme Lejeune, à savoir : « Rechercher, soigner, défendre, au nom des patients et de leurs proches ».
« C’est un désastre »
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