La célébration du 70e anniversaire de la communauté Emmaüs du Plessis-Trévise située dans le Val-de-Marne s’est déroulée en mai. Les travaux de rénovation et d’expansion ont permis l’accueil de dix compères supplémentaires, s’ajoutant à la quarantaine qui résidaient déjà là. L’objectif d’installer des panneaux éducatifs relatant l’histoire de ce lieu autrefois dédié aux femmes avec enfants, établi par l’abbé Pierre peu de temps après son discours en hiver 1954, a été reporté.
Suspens en juillet dernier lorsque le mouvement Emmaüs a révélé les résultats d’une enquête interne, dévoilant que sept femmes avaient accusé le prêtre -décédé en 2007- d’attouchements et baisers forcés. Jacques Campargue, un volontaire de la communauté depuis les années 1990 -et anciennement président de cette dernière- a été profondément affecté par ces allégations. Le choc a été encore plus grand lorsqu’à la date du 6 septembre, dix-sept témoignages supplémentaires ont été révélés, dont l’un décrivant un rapport sexuel forcé – une violation sexuelle – et un autre évoquant une agression sexuelle sur une enfant de 8 ou 9 ans. Malgré tout, aucun des anciens membres de la communauté, même ceux que Campargue connaissait bien, n’a jamais mentionné un geste inapproprié de l’abbé. Mais cela n’efface pas les « souvenirs émus et merveilleux » que garde Campargue d’une rencontre fortuite avec l’abbé.
Tessa Akbulut, une travailleuse sociale employée par la communauté depuis trois ans, est remplie de rage. Elle est scandalisée par les abus commis par l’abbé Pierre. Elle considère cette conduite comme une trahison car il a exploité son influence pour manipuler les individus vulnérables, alors qu’ils sont justement là pour leur rendre du pouvoir. Agnès Joussellin, une volontaire qui est maintenant présidente de la communauté, le décrit comme un « Dr Jekyll et Mr Hyde », un malade notoire, un prédateur sexuel qui a quand même fait des choses impressionnantes.
« On avait du mal à y croire »
Suite aux révélations estivales, les portraits de l’abbé ont été enlevés du siège national du mouvement à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Quelques images ont été retirées ici aussi, ce qui a été très dur pour les compagnons. En début septembre, dit la présidente, « nous avons tout enlevé, c’était devenu trop ». Le portrait de la salle des ventes a ensuite été remis anonymement, avant d’être de nouveau enlevé.
Certaines des compagnes et compagnons ont appris les nouvelles révélations lors d’une réunion hebdomadaire. « J’ai parlé de viols, d’agressions sans entrer dans les détails, car certains en ont eux-mêmes été victimes », explique Anne, la co-responsable de la communauté (les personnes mentionnées par leur prénom préfèrent rester anonymes). Beaucoup ne pouvaient pas y croire. L’un a dit que l’abbé Pierre lui avait sauvé la vie et c’était une question de complot. Ils craignaient que Emmaüs ne disparaisse et qu’ils soient privés de leur avenir.
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