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À Tourcoing, le refuge des esprits meurtris

Vue de l’extérieur, avec son extérieur en briques rouges, La Maison d’à côté ne manque de rien par rapport aux autres magnifiques résidences du boulevard Gambetta à Tourcoing, dans le Nord. Ces maisons reflètent le passé prospère de son industrie textile, qui a été malmenée par la mondialisation et les délocalisations. Une petite affiche « Chez nous » vous accueille, tandis que des photos pendues au mur illustrent les efforts de restauration entrepris pour redonner vie à l’endroit.

Il est huit heures et demie ce matin de mai et la grande table du petit déjeuner a déjà été nettoyée dans la salle à manger, les baies vitrées s’ouvrant sur le jardin. Dans le salon, une femme de 38 ans, Marine (les résidents ont choisi de ne pas révéler leurs noms de famille), est profondément absorbée par un magazine de mots croisés. Un plaisir quotidien pour cette femme qui rêvait de devenir bibliothécaire. Depuis son fauteuil dans le salon, Arnaud, 65 ans, le résident le plus âgé, la taquine sur son amour des mots, un amour qu’il partage avec elle, étant lui-même un fervent lecteur.

À première vue, c’est une maison de famille parmi tant d’autres, avec ses petits cadres de photo sur le buffet présentant des sourires joyeux et des gâteaux d’anniversaire, ses plantes d’intérieur et ses coussins colorés sur les grands canapés. Cependant, La Maison d’à côté est unique : les neuf locataires qui y résident souffrent de troubles mentaux stables mais sont incapables de vivre seuls. C’est loin de l’ambiance d’un hôpital psychiatrique ou d’une maison de repos.

Cela fait quinze ans que ce lieu unique et novateur a vu le jour en France. Plusieurs citoyens de la métropole de Lille, cherchaient à l’époque à établir un espace non médicalisé qui pourrait accueillir sans danger et de manière conviviale un proche parent – frère, sœur, enfant – souffrant d’une maladie mentale. « Nous voulions proposer une solution adaptée pour des patients qui ne pouvaient plus être pris en charge en hôpital psychiatrique mais qui n’étaient pas non plus capables de vivre de manière indépendante », explique Caroline Bonduelle, la sœur d’Arnaud. Ensemble, ils ont fondé l’association Fraternative en 2008.

Beaucoup de familles ont enduré des trajets difficiles, parfois tumultueux, avec des hospitalisations dans des cliniques lointaines, parfois à l’autre bout du pays. Comme le note une mère qui souhaite rester anonyme : « Nous avons tenté de placer notre fils dans un foyer médicalisé, mais cela s’est mal passé, il a régressé. Les familles d’accueil étaient une autre option, particulièrement dans le Pas-de-Calais, mais nous cherchions un lieu plus intégré à la ville, avec des opportunités d’activités et une vie sociale. Nous n’avons rien trouvé. Le retour à la maison après l’hospitalisation était la dernière option, mais cela signifiait que j’aurais dû arrêter de travailler. Financièrement, c’était inenvisageable. »

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