En janvier 2022, pour la première fois, la Banque Fédérale de New York a émis un indicateur signalant une « tension » sur les chaînes de valeur globales. À ce moment, les perturbations de la logistique mondiale suscitaient une préoccupation parmi les entités monétaires américaines, alimentant de manière potentiellement agressive une inflation déjà effrénée. Les embouteillages majeurs dans les ports chinois se sont depuis atténués, mais l’escalade du protectionnisme et les tensions géopolitiques internationales engendrent une grande incertitude quant à la future progression du commerce mondial.
Alors que plusieurs appels ont été lancés pour une résilience renforcée de nos chaînes d’approvisionnement, voire pour une certaine forme de séparation vis-à-vis de certaines régions du monde, la répartition géographique du commerce mondial est déterminée par des millions de décisions individuelles sur lesquelles le pouvoir public a peu de capacité d’intervention directe. Néanmoins, le climat actuel continue d’influencer les décisions prises par les acteurs économiques. Comment les entreprises gèrent-elles cette nouvelle méfiance à l’égard des règles du système multilatéral ?
Dans les années 1990 et 2000, les grandes sociétés ont investi dans des chaînes de valeur mondiales de plus en plus fragmentées. Cela leur a permis de réduire les coûts en déplaçant certaines phases de la production vers des nations où les salaires sont plus bas. De plus, elles ont élargi leur base de clientèle à l’international. À une époque où l’Europe était aux prises avec une croissance stagnante, ces entreprises ont pu trouver des opportunités de croissance précieuses en Asie ou en Amérique du Sud. L’internationalisation des entreprises offrait alors des avantages en termes de compétitivité et de répartition des risques.
Multiplication des difficultés.
Les récents bouleversements nous ont poussé à reconsidérer les avantages de la mondialisation. La crise du Covid-19 a mis en lumière les vulnérabilités inhérentes à notre système de production mondialisé. Des processus de production de plus en plus sophistiqués, couplés à une gestion des ressources optimisée à l’extrême, ont exacerbé les problèmes de production pendant la pandémie. L’exemple frappant est la pénurie de semi-conducteurs en 2021-2022 qui a entravé une multitude d’industries manufacturières.
Nous avons également découvert que 60% de la demande mondiale de semi-conducteurs est satisfaite par un fournisseur unique, TSMC, basé à Taiwan. Bien que la situation quasi monopolistique de TSMC soit exceptionnelle, un examen approfondi des données commerciales internationales révèle que de telles concentrations de l’offre sont courantes dans d’autres secteurs. En effet, 88% du cobalt nécessaire à la fabrication des batteries au lithium est actuellement extrait en République démocratique du Congo. La Chine s’arroge la quasi-totalité du marché des métaux précieux, indispensables à une large gamme de produits électroniques. De plus, la Chine et l’Inde monopolisent la production de nombreux composants chimiques utilisés dans l’industrie pharmaceutique, la chimie fine ou la plasturgie.
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