La notion de sainteté ne se limite pas toujours aux domaines religieux, à moins que la république soit considérée comme une forme de religion nouvellement conçue. Ce concept donne naissance à l’idée du ‘saint laïc’, qui se développe au fil des lettres durant tout le XIXème siècle, propulsé par le romantisme social qui est une fusion de la littérature et de la politique. Magalie Myoupo, enseignante en langue et littérature françaises à l’université de Lorraine, a consacré sa thèse universitaire à cette imagination particulière. Sa thèse, présentée à la Sorbonne en 2018, a été récemment publiée sous le nom « Des saints laïques. Figures exemplaires dans la littérature du XIXe siècle » par les Presses universitaires de Lyon en 2023, composée de 256 pages et vendue à 20 euros.
Comment a émergé l’idée de sainteté laïque, dont vous examinez les représentations dans la littérature du XIXème siècle ?
Magalie Myoupo : L’idée de « sainteté laïque », une partie de notre vocabulaire quotidien, m’a toujours intriguée puisqu’elle associe deux termes qui, à première vue, semblent irréconciliables. Étant donné mon intérêt pour la relation entre la littérature et la spiritualité, j’ai souhaité étudier cette idée lors de la rédaction de ma thèse, pour reconstituer son apparition et son développement à travers le XIXème siècle. Mon but était de comprendre comment l’esthétique catholique a été reprise par les républicains à travers le genre littéraire du récit de saints, ou hagiographie.
Comment se déroule ce processus de transfert du modèle de la sainteté ?
Suite à la Révolution française, l’église et certains auteurs catholiques voient dans l’évangélisation un moyen crucial de restaurer les structures de la monarchie. Le premier grand exemple de cette approche est l’œuvre de Chateaubriand, Le Génie du christianisme, publiée en 1802. La période de la Restauration (1815-1830) est spécifiquement marquée par une forte affirmation de cet héritage chrétien, qui se manifeste également durant la monarchie de Juillet (1830-1848) par des politiques populaires fortement axées sur la religion.
Cependant, à partir des années 1840, une vive réaction à l’encontre de l’Église catholique se dessine, avec des personnalités telles que l’historien Jules Michelet, le poète Alphonse de Lamartine et l’écrivaine George Sand qui commencent à exploiter l’imaginaire hagiographique.
Deux tendances principales émergent à ce moment : parmi les historiens, l’objectif est de créer une nouvelle éducation basée sur un principe d’émancipation plutôt que d’imitation ; tandis que les écrivains s’approprient le genre narratif de l’hagiographie en réinterprétant des modèles tels que le martyre et l’ascèse, pour idéaliser certaines figures populaires.
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Très, très intéressant cette idée de la saintété laïque du héros de Victor Hugo, Jean Valjean. Je voudrais bien lire toute la thèse. Ana Patricia professeur de français au Brésil.