Telegram, la plateforme de communication communautaire, a admis sur son site web qu’elle avait une approche minimaliste en matière de modération de contenu et ne se conformait généralement pas aux mandats judiciaires, à moins de circonstances extraordinaires. Cette attitude a notamment poussé la division cyber (J3) du bureau du procureur de Paris à superviser une affaire qui a conduit à l’arrestation du cofondateur de l’application, Pavel Durov, en France le 24 août, suivi de sa mise en examen le 28. Le PDG est accusé notamment pour avoir refusé de transmettre aux autorités compétentes, sur leur demande, les informations ou documents nécessaires pour réaliser et exploiter les interceptions légales.
L’arrestation de l’entrepreneur en vue, de nationalité française, russe et émiratie, a eu un impact immédiat. D’après nos sources, qui corroborent les informations de Libération, pendant que le cofondateur de Telegram répondait aux questions du Bureau national antifraude, la compagnie basée aux Émirats arabes unis a commencé à répondre à plusieurs demandes d’information de l’Office des mineurs dans le cadre d’enquêtes sur des crimes pédophiles. C’est une première pour cet organisme d’enquête habitué à voir la plupart de ses demandes restées sans réponse.
Auparavant, uniquement les requêtes relatives au terrorisme étaient prises en compte, selon nos sources. « Chaque fois que nous avons dû contacter Telegram à travers des requêtes judiciaires, [l’entreprise] a répondu, » a confirmé le Parquet national antiterroriste au Monde. Après son arrestation, le milliardaire russe a fait état de cette assistance dans un communiqué: « Il y a quelques temps, à la demande, j’ai personnellement aidé [les autorités françaises] à établir une hotline avec Telegram pour contrer la menace terroriste en France. »
Le point de convergence pour certaines actions illégales
Cette récente disponibilité face aux requêtes en matière de droit commun est-elle spécifique à la France? « Nous constatons effectivement que Telegram se montre plus coopératif récemment, » a déclaré le parquet fédéral belge. D’autres parquets et services d’enquête approchés par Le Monde, y compris le FBI, le BKA allemand et les parquets canadiens, suisses et néerlandais, n’ont pas voulu confirmer ou infirmer ce changement d’attitude de la part de la messagerie.
En raison de sa facilité d’utilisation, de son grand nombre d’utilisateurs, de sa modération indulgente, et surtout de sa discrétion relative face aux demandes d’information des autorités, Telegram est devenu le lieu privilégié pour certaines actions illégales – principalement le trafic de drogues, ainsi que le trafic d’armes, la contrefaçon, la recel de produits volés et même la distribution de pédopornographie.
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