Cette soirée d’été est magnifique, avec la terrasse grouillante de monde sous les albizzias en pleine floraison, les serveurs qui saluent chaleureusement tout le monde, et la joie omniprésente dans un quartier soudainement devenu piétonnier. Depuis le début des Jeux Olympiques et Paralympiques, l’horaire de fermeture a été repoussé à minuit au lieu de 21 heures. Athlètes sous couvert d’anonymat, leurs formateurs, les employées de la boutique officielle, tous se retrouvent aux Bons Vivants, une brasserie typique située au pied d’une grande tour blanche en bordure de l’A86, au nord de Paris.
Le propriétaire, habillé d’un pantalon gris chatoyant, savoure le moment. Il envisage d’entamer des discussions sur la vente une fois la période olympique terminée si les investisseurs se manifestent. Il souhaite dire adieu à son tabac aux stores rouges et rêve de s’atteler à un nouveau projet, de s’attaquer à une nouvelle clientèle. Il envisage un décor luxueux, en laissant derrière lui ces petites tables désordonnées. Cela lui permettrait de doubler le prix de son verre à 10 euros.
La transformation spectaculaire de la tour Pleyel, qu’il voit face à lui, lui inspire des ambitions. Depuis juin, l’ancien bureau de la Caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis est devenu un hôtel de luxe, doté d’un bar et d’une piscine sur le toit et d’un centre d’affaires.
Hacen et Malika Madi, un couple qui a dirigé un salon de coiffure dans le quartier nord de Saint-Denis, à la fin du boulevard Ornano, pendant quarante ans, sont persuadés que leur entreprise sera éliminée après les Jeux. Ils ont consacré leurs vies à coiffer les habitants du « 93 », de Livry-Gargan à Montfermeil. Malika s’occupe des colorations. Malgré leur départ imminent, aucun regret n’est exprimé : « On nous encourage à partir, mais nous sommes vieux et parmi les derniers restants. »
Abdallah, un ami et voisin père de trois enfants, ajoute : « L’expansion de Paris est destinée à la génération future ». L’avenir reste incertain pour le couple. Hacen, âgé de 68 ans et natif de Saint-Denis, envisage de retourner en Algérie tandis que Malika aspire à une vie près de l’océan Atlantique.
Dans l’héritage de Paris 2024, la ville de Saint-Denis se trouve à un carrefour. Fin septembre, suite aux Jeux, la municipalité doit dévoiler son plan de 50 ans pour le quartier du carrefour Pleyel. Le plan initial d’y construire un grand nombre de bureaux a été modifié. Il est irréaliste de penser que cette partie du faubourg, figée dans le temps, résisterra à l’avancée des investisseurs. Cette ancienne zone industrielle, partagée entre Saint-Denis et Saint-Ouen, est en transformation depuis trois décennies. La construction du Stade de France pour la Coupe du Monde de 1998 a été le premier signe majeur de changement. Avec l’amélioration des liaisons RER, de nombreux sièges d’entreprises se sont installés dans la zone.
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