Dans la petite et pittoresque ville de Vladimir, située à environ 200 km à l’est de Moscou, le festival du livre d’été a mis en évidence une tendance profondément ancrée dans la culture depuis le début de « l’opération spéciale militaire » du Kremlin en Ukraine : la résurgence de la délation en Russie. Un auteur russe célèbre, qui a demandé l’anonymat en raison d’une répression croissante contre toute critique dans le pays, a expliqué : « C’est une nouvelle réalité à laquelle, malheureusement, nous devions nous attendre… »
Se distançant de « cette guerre qui n’est pas la nôtre », il a choisi de ne plus participer à des événements de lecture publique depuis deux ans et demi par prudence. Il ne souhaite pas devenir la cible des « patriotes » qui se sont mobilisés pour dénoncer « l’ennemi » à l’intérieur du pays.
C’est exactement ce qui s’est produit à Vladimir. Les organisateurs du festival, qui s’est tenu du 16 au 18 août dans cette petite ville, ont dû annuler les interactions avec Irina Kotova et Assia Demichkevitch, deux auteures qui s’étaient publiquement opposées à l’intervention militaire en Ukraine. Soutenus par l’Union des écrivains de Russie, des blogueurs et des collègues favorables au Kremlin ont exprimé leur « indignation » à l’idée que ces deux dissidentes s’adressent au public à Vladimir. « La répression est maintenant illimitée », avoue cet auteur qui, par souci de sécurité, choisit de ne plus apparaître en public et s’en va à l’étranger pendant plusieurs semaines pour écrire.
« Je ne reconnais plus mon propre pays, » ajoute-t-il.
Toute forme de communication sur les plateformes sociales faisant allusion à l’homosexualité est rigoureusement examinée en Russie, où des messages le décrivant comme un traitre circulent contre lui. Il se sent visé, craignant d’abord la nuisance des trolls en ligne, puis de possibles actions en justice. Le contexte est celui d’une Russie qui resserre son cadre juridique autour des LGBT. Selon un des cadres d’une petite maison d’édition qui persiste à publier des œuvres indépendantes, ils font l’objet d’une surveillance constante. Ils ont publié une œuvre, une bande dessinée nommée « Colombe Guennadï », où le personnage principal se questionne ouvertement sur sa sexualité. Cette publication a suscité l’attention et la dénonciation de la police.
L’oppression s’étend bien au-delà du monde littéraire. Pour se conformer à la ligne narrative imposée par le Kremlin, les théâtres ont reçu des ordres du Ministère de la Culture. Ces derniers sont tenus de promouvoir le patriotisme et de sauvegarder les valeurs et traditions dans un contexte de tension croissante avec l’Occident, accusé de décadence. Selon une metteuse en scène de Kazan, des sujets tels que le sexe, la drogue et la politique provoquent des lettres de dénonciation, ce qui n’était pas le cas par le passé. Le reste de cet article est réservé aux abonnés.
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