Dans l’extrémité tardive de l’été, quelques adolescentes restent plus longtemps à la cuisine commune du « 153 », une large résidence en brique rouge typique du Nord, juste après le déjeuner, avant de s’atteler à leurs tâches de l’après-midi. Les résidents de la maison à Valenciennes, âgés de 16 à 21 ans, qui ont souffert de maltraitances familiales, ont été placés sous la protection de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Ils sont accueillis à la Maison Claire-Morandat, un initiative de l’association SOS Villages d’enfants destinée à l’intégration des jeunes en détresse. Une particularité de cette structure, fondée en 1986, est son engagement à poursuivre leur soutien au-delà de leur 18ème anniversaire, une date à laquelle l’assistance des « enfants placés » se termine souvent. Ce prolongement d’aide facilite leur transition vers l’âge adulte, surtout compte tenu des lourds bagages de leur enfance difficile. En tant que directeur avec trente ans d’expérience en travail social, Kacem Hamadi souligne l’importance de cette assistance pour les jeunes qui sont souvent forcés à devenir indépendants plus rapidement que leurs homologues.
La loi Taquet, promulguée le 7 février 2022, a bel et bien instauré une obligation pour les départements, en tant que leaders de la protection de l’enfance, d’offrir un soutien aux jeunes privés de ressources ou de soutien familial suffisant jusqu’à l’âge de 21 ans. Cependant, la loi n’est pas spécifique sur le type d’assistance qui peut être fournie. Selon les intervenants, malgré cette loi, des cas de « sorties sèches » continuent de se produire et l’assistance varie d’un département à l’autre.
La discussion avait été prévue pour la commission parlementaire d’enquête portant sur les lacunes des politiques de soutien à l’enfance. Toutefois, ses délibérations qui avaient démarrées en avril ont été abruptement stoppées par la dissolution de l’Assemblée nationale ordonnée par Emmanuel Macron le 9 juin.
Le « 153 » abrite douze studios, chaque studio incorporant une chambre, une salle d’eau et une petite cuisine. Il existe des espaces partagés pour les résidents, avec une salle de télévision et un « bureau des éducateurs » juxtaposés à la cuisine, où les réunions à venir avec les jeunes sont affichées. Un salon et un petit jardin sont également disponibles.
« Gérer la solitude peut être un défi à relever par moments »
Nora (tous les jeunes interviewés ont choisi de ne révéler que leur prénom), âgée de 18 ans, réside dans son studio depuis janvier. « Je suis vraiment touchée qu’ils nous permettent de rester jusqu’à vingt et un ans », avoue-t-elle. Étant placée depuis ses deux ans et demi suite à des violences familiales, son parcours est jalonné de divers lieux d’accueil (maisons d’hébergement, familles d’accueil) avant de rejoindre la Maison Claire-Morandat juste avant sa majorité. Selon Nora, ce lieu est comparé à une famille, malgré les disputes qui surgissent de temps en temps entre les jeunes. « Séverine, notre maîtresse de maison est un véritable diamant. La mère que tout le monde aurait aimé avoir », s’exclame-t-elle, son visage s’illuminant d’un sourire juvénile, ses dents parées de bagues.
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