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11 septembre 2024 10 h 44 min

Le rappeur Wallace Cleaver et son univers proustien

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Beaucoup de musiciens se contentent de lancer un album et de le promouvoir sur scène. Cependant, certains, comme Wallace Cleaver, choisissent une voie plus difficile. Prévoyant de monter sur la scène de l’Olympia le 13 septembre, il organise la projection d’un court métrage dans neuf cinémas français et belges, la veille de la sortie de son troisième album, Merci. En tant que rappeur bloisien (né à Blois), ce film met en scène, de façon poétique et champêtre, ses raps qui relatent sa jeunesse, entre la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux, les grands-pères, un père fermier, une mère enseignante et le divorce de ses parents. Un mélange de mélancolie et d’adolescence, ponctué par des motos, des rimes et des jeux en plein air.

Dans le film, Léo Gond, son vrai nom, 26 ans, incarne un jeune homme qui retourne sur les lieux de son enfance pour retrouver son frère aîné désillusionné. « Le court-métrage n’est pas entièrement basé sur ma vie personnelle », explique-t-il. « Je n’ai pas de frère, mais une grande sœur. Cependant, le reste me représente assez bien : la moto, la centrale nucléaire, les tavernes locales, les relations familiales compliquées, la figure du grand-père. »

Dans l’univers hautement structuré du rap, il n’est pas facile de faire valoir sa musique sophistiquée, ses paroles pleines de sensibilité qui louent sans cesse ses ancêtres. Chacun de ses grands-pères a sa propre pause auditive dans son album – l’un l’appelant de sa maison de retraite pour le féliciter, l’autre racontant un événement de la Seconde Guerre mondiale en dialecte. Afin de transmettre son message, le rappeur mise sur l’aspect visuel. « J’ai toujours été un fan du marketing, et comment on fusionne les différentes créations », confie-t-il.

Il a été introduit au rap par sa grand-mère maternelle, une diplômée d’une école d’art qui intervenait dans les écoles pour éduquer les élèves à l’audiovisuel. En 2009, elle a amené son petit-fils interviewer le rappeur Oxmo Puccino lors d’un concert local, ce qui a éveillé chez lui une passion pour les rimes. « C’est à l’âge de 10-11 ans que je me suis retrouvé face à ce grand artiste, et depuis, je ne cessais de réciter ses paroles : 365 jours, Peur Noire, L’Enfant seul… », se souvient-il. « Dans notre maison, ma mère écoutait du blues et du funk et mon père préférait la musique populaire française et le rock, qui allait de Bérurier noir à Renaud. « Grandir avec Proust, je trouve ça cool ».

Pendant sa période adolescente, il met en place un groupe nommé Garden Club, en collaboration avec un autodidacte du rap américain qui vit également dans son village, puis finit par poursuivre son éducation à Paris. Il s’inscrit en lettres avec l’intention de préparer l’examen pour devenir un enseignant. À la Sorbonne, il fait la connaissance d’un autre groupe de rap qui l’initie aux studios d’enregistrement et à la compétition des « open mics ». Cependant, sa découverte majeure est l’œuvre de Marcel Proust, qui lui donne un nouvel objectif: « Composer pour interpréter ce qu’on ressent et chercher comment le revivre encore, dit-il en résumant. Mon professeur conseillait de lire un ouvrage de Proust tous les dix ans. Comme il a écrit sept volumes, je suis engagé pour les soixante-dix prochaines années. Croître avec Proust, je trouve cela génial. » Tellement génial qu’en 2022, il a sorti deux mini-albums inspirés de celui-ci : À la recherche du temps perdu et À la recherche du temps ralenti.
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