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11 septembre 2024 9 h 44 min

Avocats et publications scientifiques

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La question se pose de savoir si la diffusion des informations scientifiques devrait être l’exclusivité des chercheurs, des revues scientifiques et de leurs évaluateurs, ou si les avocats ont leur place dans ce processus. Un incident récent insinuait encore une fois que la réponse n’est plus aussi claire qu’auparavant. Selon ce que Retraction Watch, un média en ligne, a dévoilé cet été, Raphaël Lévy, professeur à l’Université Sorbonne-Paris-Nord, a reçu en mai une missive d’un avocat américain agissant au nom de Chad Mirkin, un chimiste de renommée et professeur à l’Université Northwestern de Chicago, lauréat récent du Prix Kavli. Le courrier exigeait du professeur français de mettre fin à la diffusion de prétendus mensonges et de retirer les informations erronées qu’il aurait transmises aux Comptes-rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS). Ce dernier point se réfère à une coutume répandue dans le milieu scientifique. Quand un article est publié, ici un article faisant un bilan d’un domaine particulier (un « article de revue » dans le langage scientifique), d’autres chercheurs peuvent faire parvenir leurs observations critiques à la revue. Après une évaluation par d’autres pairs, celles-ci peuvent à leur tour être publiées.

Raphaël Lévy s’était opposé à un article provenant de PNAS en février en soutenant qu’il mettait en avant des technologies intéressantes mais ignorait leurs échecs. L’innovation aborde des nanoparticules « décorées » avec l’ADN ou l’ARN, présumées utiles dans l’imagerie ou le traitement anticancéreux, présentées par Chad Mirkin, l’un de ses développeurs et défenseurs. Lévy a rappelé dans sa lettre critique à PNAS que l’utilisation de cette technologie en imagerie avait été mise de côté depuis longtemps, et qu’Exicure avait suspendu une phase 2 d’essai clinique pour le traitement des carcinomes, préalablement décrite comme prometteuse dans l’article de PNAS, à lequel Mirkin est l’un des onze co-auteurs. Lévy faisait également référence à plusieurs recherches scientifiques, dont certaines qu’il a co-signées, remettant en question l’efficacité de la technique en question pour infiltrer le cytoplasme des cellules. Aucune de ces références n’a été mentionnée dans la « revue » de février.

Lévy a été surpris de recevoir d’abord un courriel de Chad Mirkin, puis de son avocat. La lettre contenait des menaces et des attaques contre l’intégrité de Lévy, faisant allusion à un article refusé par un journal, des allégations de faute professionnelle au sein de son ancienne université (Liverpool), ainsi que des « remarques offensantes » sur le travail de ses collègues à Paris-Nord. Selon Lévy, « l’université de Liverpool n’a pas répondu aux allégations ». En ce qui concerne Paris-Nord, « l’enquête est terminée et a déterminé qu’il n’y avait pas de harcèlement caractérisé », a fait savoir une porte-parole de l’université.

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