Catégories: Actualité
|
10 septembre 2024 23 h 50 min

L’Éthiopie interdit véhicules thermiques

Partager

Depuis son passage à l’énergie électrique, Dagim Girma ne subit plus d’attentes prolongées dans les interminables embouteillages d’Addis-Abeba, signes évidents des entrées de stations-service souvent touchées par des manquements en gasoil. « Je gagne du temps et je n’ai plus à payer pour du carburant », explique l’homme de trente ans qui a suivi les conseils du gouvernement éthiopien en optant pour un véhicule électrique au début de 2024.
En janvier, une décision majeure a été prise par le ministère des transports et de la logistique : interdit l’importation de voitures fonctionnant à l’essence et au diesel. Par conséquent, ce dernier oblige les automobilistes éthiopiens à adopter l’énergie électrique. C’est une première mondiale qui peut sembler étonnante, sachant qu’un résident sur deux n’a pas accès à l’électricité en Éthiopie. Cependant, cette directive sévère est principalement une « stratégie économique », comme le souligne Yizengaw Yitayih, expert au ministère. « Le décret vise principalement à rationaliser nos dépenses de devises étrangères », indique le haut fonctionnaire.
Face à une sévère pénurie de devises, ce pays de 120 millions d’habitants tente de réduire sa dépendance à l’importation d’essence, qui atteignait plus de 6 milliards d’euros en 2023, d’après les données du gouvernement. « En exigeant que les Éthiopiens optent pour des voitures électriques, le gouvernement réalise deux objectifs à la fois : réduire ses importations de carburant et mettre en place une politique environnementale progressiste », décode Samson Berhane, un analyste indépendant résidant à Addis-Abeba.

Premier ministre et lauréat du prix Nobel de la paix en 2019, Abiy Ahmed a longtemps cherché à se forger une réputation de défenseur de la nature. Il a initié d’ambitieuses initiatives de reforestation, avec l’objectif de planter 5 milliards d’arbres d’ici 2024. En 2022, Ahmed a aussi inauguré le grand barrage de la Renaissance sur le Nil, le barrage hydroélectrique le plus imposant d’Afrique, qui produit aujourd’hui 1 550 mégawatts-heures (MWh) d’électricité et promet de produire 5 000 MWh à terme. Ce dernier fait usage de cette électricité à la fois verte et économique, qui est dix fois moins onéreuse qu’en France. Cependant, bien que rapide à proscrire l’importation de voitures fonctionnant à l’essence et au diesel, le dirigeant semble ne pas avoir préparé son pays pour une introduction massive de véhicules électriques.
Transition insuffisamment préparée,
« C’est un choix fait trop tôt », soutient Samson Berhane. « Le pays n’est pas prêt pour ce changement. On ne trouve qu’une station de recharge publique et seulement deux garages spécialisés dans tout le pays. ». C’est une réalité plutôt décourageante. Les pièces détachées sont presque inexistantes. Les conducteurs doivent se débrouiller eux-mêmes. Certains arrivent à acheminer par eux-mêmes des batteries venant des pays du Golfe. D’autres cherchent des instructions vidéo sur internet pour bricoler leurs voitures. « En raison de l’absence de régulation, on peut voir beaucoup de voitures de marques chinoises parfois peu connues, pour lesquelles il est encore plus compliqué de trouver des pièces », confirme l’analyste.
Il y a encore 40.17% de l’article à lire. La suite est réservée aux abonnés.