Alors que la plupart des gens citent le 4 octobre 1957, la date du lancement du premier satellite artificiel, Spoutnik-1 de l’URSS, comme début de l’ère spatiale, il est également plausible de prendre en compte le 20 juin 1944. C’est à cette date-là qu’un objet fabriqué par des hommes a dépassé pour la première fois la limite des 100 kilomètres d’altitude, ce qui est maintenant considéré comme la frontière de l’espace. Le V2 allemand, conçu par l’ingénieur Wernher von Braun, un membre du parti nazi et SS, a inauguré cette réalisation. Étonnamment, cet individu deviendra par la suite le créateur de la mégafusée américaine Saturn-V, qui a été utilisée dans le programme Apollo. Encore plus fascinant, c’est que 1944 a également marqué la naissance du journal ‘Le Monde’, qui a suivi et commenté assidûment l’évolution des fusées spatiales.
Le premier numéro de ‘Le Monde’ a été publié le 19 décembre 1944. Juste quelques jours après, dans l’édition du 28 décembre, le terme « fusée » a été mentionné pour la première fois, dans une brève où ont été évoquées les préoccupations du secrétaire d’État américain Edward Stettinius. Il mettait en parallèle les avancées de l’aviation au cours des trente années précédentes avec les implications des attaques par bombes volantes ou fusées dans une guerre future.
Depuis sa fondation, bien que le journal ne dispose que d’une petite rédaction et soit publié sur un simple feuille de papier, en raison du rationnement, il inclut immédiatement des articles sur la science. Le premier article scientifique est paru dans le journal Le Monde du 23 décembre 1944 et a été écrit par Claude-Georges Bossière. Aucun des rédacteurs actuels ne l’a bien sûr connu personnellement, on doit donc se référer aux mémoires d’un autre journaliste du journal pour se faire une idée de celui qui gérait seul la section Science. Dans son livre « Un homme du Monde » (Calmann-Lévy, 1989), Jean Planchais dépeignait Bossière comme un « personnage élégant » qui « décrivait les changements provoqués par la guerre ou mûris par elle, en une phrase succincte et précise. Il gardait toujours son sang-froid, considérant tout cela comme naturel et présentait un intérêt purement intellectuel. Lorsque le président Truman a annoncé qu’une bombe atomique a explosé sur Hiroshima, Bossière était parfaitement à l’aise pour en parler. »
Claude-Georges Bossière démontre facilement son expertise, passant d’un article sur le Nylon à la dynamique d’une explosion nucléaire, ou de la présentation de la nouvelle Renault 4 CV aux principes fondamentaux qui propulsent les fusées. Dans Le Monde, daté du 12 janvier 1945, il présente l’explication selon laquelle le mouvement d’une fusée est maintenu par le jet de gaz expulsé vers l’arrière jusqu’à ce que le combustible soit totalement consumé. En gros, une fusée agit comme un moteur en elle-même, un moteur à réaction, qui n’a pas besoin de pistons, d’articulations ou d’engrenages, un moteur qui crée directement le mouvement grâce à sa poussée. À partir de cette notion, on peut concevoir une multitude de concepts et la réalité est que l’esprit ingénieux de la guerre a déjà incorporé diverses applications.
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