Deux jours après l’élection présidentielle anticipée du 7 septembre en Algérie, l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) est devenue la cible de toutes les critiques des candidats, y compris du président sortant et présumé gagnant, Abdelmadjid Tebboune. Les critiques se sont accentuées en raison d’un taux d’abstention exceptionnellement élevé et d’une confusion importante concernant les taux de participation.
D’après les résultats affichés, M. Tebboune a récolté 94,65 % des votes. Abdelaali Hassani Cherif, du Mouvement de la société pour la paix (MSP), a quant à lui obtenu 3,17 % des votes, tandis que Youcef Aouchiche, du Front des forces socialistes (FFS), en a reçu 2,16 %. Cependant, les directeurs de campagne des trois candidats ont surpris tout le monde en dénonçant, dans un communiqué conjoint publié le dimanche 8 septembre avant minuit, des « irrégularités et contradictions dans les résultats annoncés ». Ils exprimèrent leur intention d’« informer l’opinion publique du flou et des contradictions des chiffres de participation ».
Peut-être dans le but de dissimuler l’étendue du désintérêt du public, Mohamed Charfi, le président de l’ANIE, a indiqué un « taux de participation moyen » de 48,03 %. Cette moyenne serait basée sur les taux de participation dans les wilayas (départements) divisés par leur nombre, soit 58. En vérité, le taux de participation est probablement moins de 25 % si l’on considère le nombre de suffrages exprimés, 5 630 196, par rapport aux 24 351 551 inscrits sur les listes (le nombre de bulletins nuls ou blancs n’ayant pas été mentionné).
Les enjeux financiers sont également notables.
Le lundi, les deux postulants perdus sont revenus à l’attaque en imputant à l’ANIE une « tromperie flagrante », et en déclarant leur volonté de faire appel auprès de la Cour constitutionnelle. L’enjeu est financier : en obtenant moins de 5 % des voix, leurs dépenses de campagne ne seront pas remboursées. Mais il y a également un côté politique. L’ANIE souhaiterait, en diminuant leur score, « minimiser l’effet de l’abstention, même si cela n’affecte en aucune manière les résultats », comme l’interprète l’analyste Nadjib Belhimer.
L’importance significative de l’abstention, qui est le premier défi du vote, a surpris même le clan de M. Tebboune. Ce dernier tablait sur une participation au moins plus grande que celle des élections présidentielles de décembre 2019 (moins de 40 %), ce qui l’a déjà rendu un leader en manque de légitimité.
Pour justifier leur candidature à une élection déjà décidée, les deux candidats perdants ont mentionné lors d’une conférence de presse des « menaces » sur le pays, sans pouvoir les détailler. Dans la même veine, peu de temps après l’annonce des résultats, l’agence de presse algérienne APS a lancé une attaque plus précise, mais déjà testée, contre les médias français, reprochés de « propager des fausses informations » : « [L’Algérie est] sur le chemin de l’émergence, très éloigné de la colonie de misère dont vous avez été chassés… Que ce chœur fasse l’effort de reconnaître que l’Algérie est beaucoup mieux dotée que la France. »
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