Malgré deux siècles d’efforts pour l’apprivoiser, l’eau échappe encore à notre contrôle, provoquant des inondations catastrophiques dans les vallées alpines, inondant les plaines des Hauts-de-France et les rues de Marseille, ou disparaissant des Pyrénées-Orientales. Nous sommes constamment confrontés à des séries de problèmes allant des inondations à la sécheresse, de la détérioration des zones d’extraction à la pollution par des substances dites « éternelles », provoquant des tensions croissantes.
L’eau douce a toujours été une source de disputes mais avec le réchauffement climatique et l’industrialisation du sol, ces affrontements se sont intensifiés. Dans le Marais poitevin, la lutte contre les mégabassines et le modèle d’irrigation agricole persiste. A Vittel (Vosges), Volvic (Puy-de-Dôme), Grigny (Essonne) et Montagnac (Hérault), des résidents protestent contre la privatisation des sources d’eau par des multinationales comme Nestlé et Coca-Cola. Dans l’Hérault, la construction d’un terrain de golf provoque des oppositions, tandis qu’à Wittelsheim (Haut-Rhin), des élus et habitants sont mobilisés contre l’enfouissement de déchets toxiques près de la nappe phréatique alsacienne.
Ces groupes s’opposent à la privatisation et aux intrusions dans le cycle de l’eau, ce vaste système qui, à travers les sols, les zones humides, les rivières et les océans, permet son renouvellement. Ils se montrent également critiques envers comment les décisions sont prises, et la précipitation vers les solutions techniques avant même qu’un débat collective ait fixé les priorités. Généralement soutenus par des chercheurs, ils prônent un changement de perspective où les besoins des voies navigables ne sont plus considérés comme une variable à ajuster des activités humaines. À l’intersection des sciences de la vie et des sciences sociales, ils étudient les interdépendances entre les milieux aquatiques et les êtres vivants qui les habitent, testant localement de nouvelles formes de gouvernance.
« dérive clientéliste »
Au coeur des institutions en charge de la distribution de l’eau, beaucoup d’acteurs sont déconcertés. Alors que des réformes visant à simplifier les procédures ont fait vaciller les piliers de la démocratie environnementale, les instances de gestion de l’eau ont aussi été affectées. Depuis les protestations agricoles en début d’année, des compromis qui ont été patiemment tissés par les membres du Comité national de l’eau (CNE), l’organe responsable de conseiller le gouvernement, ont été renvoyés dans les tiroirs du ministère de l’agriculture, cherchant à rétablir la paix sociale dans les zones rurales. « Nous avons passé des heures à pondérer chaque mot de l’opinion du CNE concernant le plan Ecophyto sur les pesticides, et aucun d’entre eux n’a été pris en compte par le gouvernement lors des négociations directes avec la FNSEA », déplore Florence Denier-Pasquier, membre juriste du CNE et administratrice de l’association France Nature Environnement, dénonçant « un dérapage clientéliste ».
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