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7 septembre 2024 13 h 50 min

L’œuvre de Miguel Bonnefoy : entre intimité et communauté

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Dans ses ouvrages fictifs transcendantaux, Miguel Bonnefoy fait vibrer les légendes ancestrales des Caraïbes, rétablissant leur cosmologie détruite par les conquistadors et l’industrie du pétrole. C’est une écriture qui s’inspire de la pluie, des mangroves, une cascade de mots fluides qui fait résonner « la voix des femmes et des hommes enfouie au-delà des profondeurs où elles ont été enterrées ».

Pour représenter l’épopée du Venezuela – un pays aux « manguiers et batailles » — il conçoit un vaste tableau narratif en gravure sur pierres. Une oeuvre enchanteresse qui transcende dans la sorcellerie, faisant interagir les âmes anciennes avec celles non encore nées, depuis « le premier paysage du monde », les citronniers sur les versants de colline du Voyage d’Octavio (Rivages, 2015).

Il sculpte soigneusement ses adjectifs pour leur conférer la forme d’une racine, rédigé des poèmes végétaux façonnés par la montagne, comme le frère de la « première terre, rouge comme un fruit de papaye ». Entre la sève et l’encre, la contraction et l’immensité, la jungle devient ici un art de l’écriture, rendant à son pays ce qu’il lui doit. Des repères dans cette chaleur tropicale, pendant que son nouveau roman, Le Rêve du jaguar, est publié, où le Venezuela prend forme à travers les destins entrelacés d’un couple uni comme des perroquets bleus, ces oiseaux qui ne se séparent jamais, et de leurs descendants. Traversée.

Miguel Bonnefoy, le fils d’un père écrivain chilien et d’une mère diplomate vénézuélienne, a opté pour composer en langue française. Comme il le mentionne dans une interview pour « Monde de Livres », il aspire à dessiner les trajectoires de divers individus et familles qui jouissent d’une double culture. Ses histoires intimes et collectives offrent de décrire une rencontre inattendue d’un individualité avec un pays, tout en chamboulant leurs antécédents – dans « Héritage » (Rivages, 2020), le confusion réside dans le fait que le personnage principal, Lazare Lonsonier, atterrit à Santiago du Chili sans parler la langue locale, indiquant qu’il vient de Lons-le-Saunier…

Son travail artistique se propage à travers la dynastie des Bracamonte, qui sont décrits comme étant des « êtres apportés par le vent », une « fratrie mythique d’orpailleurs et d’ouvriers ». L’auteur mentionne qu’il a conçu ces personnages récurrents dès le début, mais a également été guidé par eux au fur et à mesure. « Il s’agit d’une chose de couper un arbre pour créer un violon », dit-il, « mais c’est une autre chose de respecter les veinages du bois en le taillant ».

Dans l’oeuvre « Le Rêve du jaguar », le concept de migration ne se limite pas à l’aspect géographique, il prend également une dimension sociale. Antonio, qui a été élevé par une femme qui n’est pas sa mère biologique, atteindra la renommée en tant que médecin le plus distingué de Maracaibo, la métropole pétrolière du Venezuela. Il ira jusqu’à fonder une université. Les déplacements sur le plan géographique seront bidirectionnels : Venezuela, sa fille, quitte la ville pour s’établir à Paris, tandis que son fils, Cristobal, fait le voyage contraire. En se mariant à un Chilien à Paris, Venezuela crée des liens entre le pays dont elle porte le nom, le Chili et la France. En s’éloignant de sa terre natale, elle libère les esprits des générations précédentes : le jour de son départ, elle libère l’esprit de Teresa, celle qui a pris soin de son père, Antonio, dès sa naissance. Cette lecture est encore loin d’être complète, avec 70.06% restant à découvrir, uniquement accessible aux abonnés.