Dans son récent ouvrage dirigé par Boris Cyrulnik et publié par Odile Jacob, intitulé « Les Deux Visages de la résilience. Contre la récupération d’un concept », il est analysé comment la popularité d’une idée peut s’avérer néfaste pour son évolution. Les idées qui gagnent en popularité suscitent initialement de l’enthousiasme. Les gens découvrent une nouvelle façon de voir les choses, et ceux qui en sont les initiateurs et défenseurs sont ravis de voir leur concept se propager et s’améliorer. Cependant, cette euphorie est éphémère. À mesure que l’idée se répand, elle connaît de nouvelles utilisations et interprétations, mais elle est également sujette à des abus, des malentendus et des distorsions. Même les faux récits et les fausses accusations surviennent.
C’est précisément ce qui s’est passé avec le concept de la résilience ces dernières décennies. Bien que le terme soit ancien, c’est l’œuvre de Boris Cyrulnik dans les années 1980 qui lui a attribué une nouvelle signification. Le neuropsychiatre l’a défini comme le processus de « redémarrage évolutif après un traumatisme ». Il maintient que même si le développement physique et mental d’un jeune enfant a été gravement compromis par un environnement hostile et négligé, il est toujours possible d’effacer les dommages. À condition que des liens affectifs soient rétablis et que des relations humaines positives soient restaurées, la vie peut reprendre et le désarroi peut disparaître. Cela est présenté avec précision et clarté.
En définitive, on doit reconnaître que les malheurs n’ont pas besoin d’être inévitables. Il est essentiel de comprendre scientifiquement comment on peut les dépasser et de s’organiser ensemble pour établir ces conditions optimales. C’est le même message véhiculé par d’innombrables études de recherche, ainsi que dans « Les Deux Visages de la Résilience ». Cette idée est mise en avant de manière concise et précise par plus d’un expert, chacun provenant d’une variété de disciplines. Si le besoin se fait sentir de redéfinir une fois de plus ces éléments, c’est parce que le concept de résilience a été déformé et vidé de son sens avec le temps.
On l’a souvent assimilée à une sorte d’endurance sans failles, applicable à tous les champs de la vie. On l’a également confondue avec un optimisme naïf (quoi qu’il arrive, on s’en sort toujours, finalement), ou pire, avec une sotte théorie du bonheur par la tragédie, qui supposerait qu’il serait nécessaire, voire souhaitable, de vivre un traumatisme pour être heureux ! Plus déconcertant, sans doute plus dangereux que cette stupidité, une insidieuse perversion du sens s’est répandue. C’est contre cette dernière que Boris Cyrulnik, le pionnier de l’aventure, se révolte.
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