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7 septembre 2024 7 h 47 min

Elle se sent si conne

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Elle comprend immédiatement qu’elle aurait du s’abstenir. En introduisant la clef dans la serrure du chalet pour la première fois. Immédiatement, elle ressent différemment le panorama impressionnant des montagnes qui s’étend devant son balcon en bois clair. C’est si différent de la première fois. Lorsqu’elles avaient déverrouillé la porte de ce chalet, qu’elles avaient sélectionné en deux minutes sur le web, fatiguées de chercher pendant des semaines l’endroit parfait pour rédiger leurs ouvrages, elles avaient été ébahies.

La montagne, devant elles, avait provoqué des frissons de bonheur, leur faisant dresser les poils sur les avants-bras comme des petites flammes de joie. Chaque jour, elles devenaient davantage en admiration devant ce paysage d’économiseur d’écran. Les alpages en formes d’ondulations chlorophylliennes, les pâturages qui ressemblaient à des peintures flamandes quand le soleil se mettait à taper et que les moutons commençaient à paître, les petites forêts denses de conifères se dressant comme des îles vierges.

Maintenant, devant elle, seule, le monde féérique et bucolique s’est évaporé pour se métamorphoser en un mur de pierres grises, écrasantes et impitoyables. Sans elle, la tâche sera rude. Elle dépose ses sacs dans la chambre du rez-de-chaussée, celle donnant sur les écuries. Elle constate que les mouches sont toujours autant nombreuses et respire un peu en ouvrant la fenêtre. Elle remonte au salon et surmonte son propre vertige, enjambant la rivière noire qui semble traverser le plancher.

Des minutes qui s’éternisent.

Passant une première nuit difficile, elle fait de son mieux et adopte leurs habitudes habituelles, le même emploi du temps, les mêmes pratiques. Aucune modification ne sera apportée. Elle a deux mois pour terminer son livre. Avec un quota de dix mille caractères par jour, si elle structure bien ses journées, ça devrait passer. Son réveil sonne à 7h30, le premier café est servi sur le balcon, elle tient son journal et planifie sa promenade de fin de journée en récompense. À 8h30, elle est assise sur sa chaise, prête à écrire pendant cinq heures, avec une pause à 11 heures pour déguster des tartines, et c’est tout. C’est non négociable.
Son rituel matinal avec le café sur le balcon se passe sans accroc. Cependant, quand elle s’installe sur sa chaise et allume son ordinateur à l’heure prévue, rien ne vient. Elle se demande pendant de longues minutes pourquoi elle se soumet à une telle torture. Elle se dit qu’elle n’y arrivera jamais. À chaque fois, c’est la même histoire. Même si elle en est à son sixième livre, chaque nouveau livre la ramène au point de départ, ignorant, prise au piège dans une mélasse obsédante, improductive, devant faire face à sa propre médiocrité, déçue d’elle-même chaque matin; ce n’est pas une vie.
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