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6 septembre 2024 12 h 48 min

Guinée : Conakry au ralenti

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Le 5 septembre, à Conakry en Guinée, l’activité économique a accusé un ralentissement, coïncidant avec le troisième anniversaire du coup d’État militaire. L’opposition avait exhorté à une protestation pacifique contre les agressions de la junte militaire envers les opposants politiques, aspirant à la restauration des libertés et au rétablissement d’un gouvernement civil avant la fin de l’année, un scénario hautement improbable.

Cependant, cet appel n’a pas reçu une grande adhésion, a rapporté un journaliste de l’Agence France-Presse, notant toutefois une baisse de l’activité économique dans la capitale. Aucune manifestation n’a eu lieu, la journée ayant été marquée par une pluie incessante et une présence massive de forces de l’ordre et véhicules blindés dans les espaces publics.

Selon Amnesty International, la junte a réprimé toutes manifestations, toujours interdites, causant quarante-sept décès entre septembre 2021 et avril 2024. Le 4 septembre, une femme a trouvé la mort par balle durant des heurts entre la police et des protestataires à Sonfonia, quartier nord de Conakry, alors qu’elle se trouvait dans un taxi.

Malick Sidibé, un officier à la retraite, exprime « sa colère et sa frustration » envers le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, lui reprochant « son double discours » et son revirement sur sa promesse d’instaurer un gouvernement civil d’ici fin de l’année – un engagement pris sous pression internationale et duquel la junte s’est depuis rétractée.

Dans une interview sur le programme Fulfulde de RFI le 5 septembre, le premier ministre, Amadou Oury Bah, a confirmé que le but était de mettre en place un référendum pour une nouvelle constitution avant la fin de l’année, bien qu’il n’ait pas pris un engagement ferme. « Nous demandons à nos citoyens de comprendre que le travail que nous faisons actuellement est sans précédent », a-t-il déclaré.
Le général Mamadi Doumbouya est attendu de retour de Chine, où il a assisté à un sommet du Forum sur la coopération sino-africaine. Aucun événement officiel n’est prévu pour marquer les trois ans du régime de cette junte, qui a remplacé le président civil Alpha Condé. Condé avait été au pouvoir pendant plus d’une décennie et avait suscité des mois de protestations, causant des dizaines de morts, lorsqu’il s’était candidaté pour un troisième mandat.
Sous le régime de Doumbouya, de nombreux dirigeants de l’opposition ont été arrêtés, traduits en justice ou forcés à fuir le pays. Le 9 juillet, deux leaders du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un mouvement citoyen exigeant que les civils reprennent le pouvoir en Guinée, Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, ont été arrêtés. Depuis lors, ces dissidents ont disparu et personne n’a reçu de leurs nouvelles, sauf un membre de leur groupe qui a témoigné de leur arrestation brutale par des hommes armés, sans qu’il soit possible de vérifier ce témoignage par des sources indépendantes.
Deux militants ont disparu.

Dans une lettre publique datée du 5 septembre, les femmes des militants disparus en Guinée ont exprimé leur inquiétude et accuse la junte au pouvoir d’avoir l’intention d’éliminer leurs époux. Elles ont demandé au leader de la junte de leur permettre de communiquer avec leurs maris. Ce à quoi le procureur général de la Guinée a répondu en niant toute arrestation et en ordonnant des enquêtes sur la disparition des deux militants, affirmant mi-juillet qu’aucun détenu n’est maintenu dans les prisons du pays.

L’ambassade américaine en Guinée, le 30 août, a exprimé sa profonde préoccupation quant à la disparition et la sécurité des deux hommes, une réaction relativement rare de la part de la communauté internationale. Vincent Foucher, chercheur au Centre national de la recherche scientifique, a déclaré le 5 septembre que la junte a hérité d’un réseau de relations diplomatiques diversifié comprenant de nombreux partenaires importants tels que la France, les États-Unis, la Chine, la Russie, la Turquie, les Émirats arabes unis et le Rwanda.

Il a continué en expliquant que cette diversité confère à la junte une certaine latitude. Par peur d’être mise de côté comme ce fut le cas au Sahel, la France, l’ancien colonisateur, s’abstient de critiquer les abus de la junte, d’où son silence. Pour aggraver les choses, les autorités ont retiré leur approbation pour quatre stations de radio et deux télévisions parmi les principaux médias privés de Guinée le 22 mai. Le 2 septembre, elles ont suspendu l’octroi d’approbations aux associations et aux ONG, citant des « actions de perturbation de l’ordre public menées sur le terrain par plusieurs ONG et associations ».