L’interdépendance entre la santé des écosystèmes et celle des sociétés humaines, autrement connue sous le nom de « santé planétaire », est une notion très difficile à chiffrer, bien que pas impossible. C’est ce que démontre une étude innovante mise en valeur dans l’édition du vendredi 6 septembre de la revue Science. Dans cette étude, l’économiste en environnement Eyal Franck, de l’Université de Chicago, illustre l’impact significatif de la chute des populations de chauve-souris insectivores américaines : une baisse de la production agricole couplée à une augmentation massive de l’utilisation d’insecticides, suffisante pour que ses effets soient mesurables localement sur la mortalité infantile.
Les chiffres sont alarmants. Entre 2006 et 2017 dans les 245 comtés couverts par l’étude, les agriculteurs ont subi des pertes de revenus et de production de près de 2,7 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) par an. De plus, on estime que l’utilisation excessive de pesticides a entraîné directement la perte de 1300 nouveau-nés dans tous les comtés concernés durant ce même intervalle de temps.
Afin de réaliser son étude, M. Franck a utilisé une terrible épidémie qui a surgi en 2006 au nord-est des Etats-Unis, affectant les chauves-souris. Cette maladie, appellée « syndrome du nez blanc », est causée par un champignon pathogène qui provoque un déclin drastique dans les populations de ces animaux. Une fois que la maladie est identifiée dans une région, les populations peuvent s’effondrer de plus de 70% en quelques mois seulement. M. Franck, l’économiste américain, explique que depuis ses débuts en 2006, la maladie a persisté à se propager de façon graduelle, affectant chaque année de plus en plus de comtés.
Il s’ensuit une diminution des revenus agricoles. Le scientifique a eu la possibilité de comparer les informations entre les zones affectées et celles non touchées par le pathogène. Un constat crucial de l’analyse est que les résultats sur l’utilisation des insecticides et la mortalité infantile évoluaient de façon similaire dans les comtés touchés et non touchés dans les années précédant l’émergence de la maladie. En moyenne, les comtés affectés voient une augmentation de 31% dans l’utilisation d’insecticides, les agriculteurs cherchant ainsi à compenser le rôle de prédation des parasites joué par les chauves-souris. Localement, le revenu agricole moyen par kilomètre carré chute de 28,9%.
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