Pour manifester leur soutien et leur résistance, quelques dizaines de citoyens moscovites se rassemblent chaque dernier jeudi du mois. Leur lieu de rencontre est une salle située au siège de Iabloko, un parti libéral né dans les années 1990 qui est toujours actif. L’activité principale de ces rassemblements consiste en l’écriture de cartes postales adressées à des prisonniers politiques. Sur les tables de travail, se trouvent des photos et des noms de personnes incarcérées, dont certains détenus sont connus du public.
Malgré le lancement de l' »opération spéciale » du Kremlin en Ukraine il y a plus de deux ans et demi, la plupart des russes emprisonnés pour avoir montré leur opposition à cette initiative militaire et au président Vladimir Poutine sont des citoyens ordinaires. « On en compte plus de sept cents, victimes de l’engrenage de notre système de justice. Il ne faut pas les oublier », souligne Anna Shatounovskaya, qui coordonne ces soirées d’échanges épistolaires.
Le 1er août, un échange de prisonniers sans précédent depuis la fin de la guerre froide a eu lieu entre la Russie et les pays occidentaux, impliquant vingt-six personnes, dont vingt-quatre adultes et deux enfants. En échange d’un agent condamné pour meurtre en Allemagne et d’un couple d’espions arrêté en Slovénie, l’Occident a obtenu la libération de plusieurs ressortissants américains, dont Evan Gershkovich, correspondant du Wall Street Journal à Moscou. Aussi ont été libérés plusieurs figures de l’opposition russes, tels que les politiciens Vladimir Kara-Mourza et Ilia Iachine, le défenseur des droits de l’homme Oleg Orlov, les activistes Lilia Tchanycheva et Ksenia Fadeïeva, ainsi que l’artiste Alexandra Skotchilenko. Durant de nombreux jeudis soir, des citoyens de Moscou avaient pris le soin d’écrire des cartes postales à toutes ces personnes, dont les noms et visages étaient affichés sur les tables de Iabloko.
Un mois après leur libération, la cérémonie continue. « Certains d’entre eux ont retrouvé leur liberté. Cependant, il y a encore ceux qui sont restés en arrière… Il est tout simplement impossible de rester les bras croisés, contrairement à beaucoup de Russes ! C’est notre manière d’apporter notre soutien aux dissidents et de résister à l’encontre du Kremlin », explique Olga, une des volontaires que nous avons rencontrées le jeudi 29 août. Comme beaucoup d’autres, elle a choisi de garder son anonymat, par mesure de prudence face à l’intensification de la répression contre toute voix contradictoire.
« Il est agréable de se retrouver tous ensemble dans cette pièce. On ne se sent pas isolés », confie cette mère de famille quarantenaire. Ce soir-là, il y avait près de cinquante personnes, de l’étudiante à la vieille dame, qui étaient affairées à écrire et signer ces cartes. Un jeudi, ils ont même réussi à rassembler plus de cent personnes. Il y a eu une fois des agitateurs en faveur du Kremlin qui ont fait irruption, ce qui a provoqué l’intervention de la police.
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