L’heure est à la rentrée littéraire et les essais ne font pas exception. L’équipe de « Monde des livres » a sélectionné cinq œuvres majeures. Nous explorons le nouveau roman saisissant de Kamel Daoud, Houris, qui nous entraîne dans la guerre civile algérienne (1992-2002). Le très attendu Bien-être de Nathan Hill, un des grands talents de la littérature américaine moderne, se joint au lot. Sandrine Collette n’est pas en reste avec Madelaine avant l’aube, qui ne déçoit pas. Le Rêve du jaguar permet à Miguel Bonnefoy de poursuivre son exploration du Venezuela jusqu’alors inexplorée. Enfin, Sabine Guez, une anthropologue, nous plonge dans la réalité des résidents de la ville la plus dangereuse du monde, Ciudad Juarez, au Mexique, à travers son étude : L’Histoire de Diana.
Dans le roman « Houris » de Kamel Daoud, une jeune femme quitte Oran à pied en plein été; sa chemise déchirée, le visage marqué par les coups, un foulard léger enroulé autour du cou. Un conducteur lui hurle « MAIS QU’EST-CE QUE TU FAIS ICI ? », craignant qu’elle soit victime de viol ou de meurtre. Cependant, lorsque cette femme silencieuse monte dans la voiture, il est évident qu’elle n’est pas en danger. Elle est le danger. La cause ? Cette longue cicatrice en forme de sourire qui révèle les stigmates cachés d’une guerre civile meurtrière.
Vingt ans après la conclusion de la terrifiante « décennie noire » (1992-2002) où l’armée algérienne et des faction islamistes se sont violemment opposées, Kamel Daoud ressuscite une histoire oubliée par la mémoire collective. Son œuvre, Houris, se décompose en deux sections, allant des ténèbres vers la lumière, du mutisme vers le face-à-face. Dans sa première partie, nous savourons un monologue éloquent et sombre de Aube, âgée de 26 ans, s’adressant à l’être qui grandit en elle. Elle refuse de donner naissance à cet enfant dans un pays qui lui a tout volé. La seconde partie donne la parole à un chauffeur de librairie. Lors d’un voyage routier nostalgique, il guide Aube vers ce village qui a vu une nuit des islamistes massacrer et égorger.
Lui est obsédé par la connaissance encyclopédique de la guerre civile, au point d’être considéré comme fou ; elle porte les cicatrices mais ne possède plus de voix pour en discuter. A travers le chaos de leur mémoire, le livre fait ressurgir des images refoulées, ressassant des atrocités déniées en quête de les confirmer. Kamel Daoud propose plus que une œuvre d’exposition de la vérité, il offre un espace de libération de la parole.
Passons au roman « Bien-être » de Nathan Hill, une œuvre intimidante de sept cents pages scintillantes d’intelligence créative. Hill, un conteur généreux et talentueux, excelle à faire rire le lecteur tout en lui brisant le cœur, et l’enseigne sur le monde dans lequel il évolue. Le conte abonde d’amour, d’algorithmes, d’effet placebo, de clivage politique, de la comptabilité obsessionnelle de nos pas, de paysages américains, de philosophie positive, de fausses nouvelles, d’immobilier, et de l’éducation.
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