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4 septembre 2024 9 h 06 min

« Consommation Réseaux Sociaux: Sociale Comme Cigarettes »

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L’incarcération et l’inculpation de Pavel Durov en raison de l’exploitation de son application Telegram par des entités criminelles ont ravivé les discussions concernant le risque que les réseaux sociaux représentent, surtout pour le bien-être mental des adolescents. Alors que certains dénoncent une violation de la liberté d’expression, d’autres s’interrogent quant à l’impact réel de cette arrestation. Serait-il envisageable de résoudre la crise de santé liée au tabagisme en appréhendant les dirigeants des compagnies de tabac, tout en négligeant de réguler le prix des produits et en permettant aux mineurs d’y avoir accès ? C’est un principe principal d’économie publique : il est nécessaire de réglementer et d’imposer des taxes sur les biens et services qui sont sources d’externalités négatives.

Bien entendu, les réseaux sociaux ne sont pas comparables au tabac. En effet, nous sommes tous conscients que la consommation du tabac engendre des externalités négatives – c’est-à-dire des répercussions néfastes pour ceux qui choisissent de ne pas le consommer – majoritairement dues à l’exposition secondaire dangereuse à la fumée de tabac. Cependant, le tabac, en particulier parmi les jeunes, engendre une autre externalité dite « de réseau » : plus il y a de personnes qui fument, plus il devient attirant de fumer. Par exemple, pour faire partie des fumeurs à la pause (ou dans le cadre d’un environnement professionnel, pour partager une pause cigarette).

Les réseaux sociaux ont plus de similitudes avec le tabac qu’on ne le pense habituellement. Tout comme l’usage du tabac, l’utilisation des réseaux sociaux présente un caractère social prononcé. Le principe d’externalités de réseau y est observé : plus une plateforme compte d’utilisateurs, plus elle devient attirante pour d’autres, souhaitant y retrouver leurs proches, par exemple. Ce phénomène peut néanmoins engendrer des conséquences négatives pour ceux qui n’y sont pas inclus : crainte de manquer une occasion (une fête ou un événement marquant), peur d’être mis à l’écart ou mal perçu. Une recherche conduite par quatre économistes auprès de plus de 1000 étudiants américains met en évidence ces observations (« Quand les marchés de produits deviennent des pièges collectifs : le cas des médias sociaux », Leonardo Bursztyn, Benjain Handel, Rafael Jimenez et Christopher Roth, Working paper n° 31771, National Bureau of Economic Research, 2023-2024).

Responsabilité collective

Les « cobayes » de cette étude étaient invités à désactiver leur compte Instagram ou TikTok en fonction de deux scénarios : soit aucun autre utilisateur ne désactive son compte, soit tous les autres le font également. Les résultats sont sans ambiguïté. Si aucun autre utilisateur ne désactive son compte, aucun participant ne souhaite le faire. En revanche, nombre d’entre eux envisageraient de cesser leur utilisation du réseau social si les autres en faisaient autant. Plus précisément, une majorité d’étudiants (60%) souhaiteraient supprimer leur compte TikTok si tous les autres le faisaient (46% pour Instagram). Ils seraient même disposés à payer un certain montant (en moyenne 24 dollars, soit environ 21,70 euros) pour supprimer leur compte TikTok, à condition que tous les autres fassent de même.

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