« Avez-vous déjà observé les effets destructeurs d’une mine de plomb sur l’environnement ? » Rachid, un agriculteur de nouvelle génération qui a repris l’exploitation familiale à Amizour, à quelque 20 kilomètres de Béjaïa (230 kilomètres à l’est d’Algiers), est préoccupé. Il s’inquiète pour la vallée de la Soummam, où s’étendent les vergers d’orangers, de clémentines, d’oliviers, de figuiers et de vignes qu’il regarde avec affection. Son angoisse porte un nom : Tala Hamza, une municipalité voisine de la sienne. Un projet d’une mine de zinc et de plomb doit y être lancé dans deux ans, projet considéré comme stratégique par le gouvernement algérien.
L’Algérie cherche des sources de revenus supplémentaires face à sa dépendance à l’industrie pétrolière, soumise aux fluctuations du marché mondial des énergies fossiles. Abdelmadjid Tebboune, le président, grand favori pour l’élection du 7 septembre, souligne souvent l’importance de stimuler l’industrie minière du pays. Tala Hamza rejoint une liste croissante de projets miniers, de Tébessa (phosphates) à Gara Djebilet (fer), en passant par des gisements de terres rares répartis à travers le pays. C’est un enjeu économique crucial qui vise à attirer des investisseurs étrangers, que ce soit de Chine, de Russie ou d’Occident.
La résistance potentielle des habitants locaux représente également un défi politique interne. Les résidents de la vallée de la Soummam oscillent entre le mécontentement et la soumission face aux autorités prêtes à imposer leurs points de vue. « Ici, on peut encore trouver les meilleurs terrains de la vallée, » murmure Rachid, regrettant qu’une base de vie ait supplanté près de son verger, en 2023, des vignes que l’Etat avait confiées à des agriculteurs. Selon lui, les fellahs [agriculteurs] n’ont pas manifesté, la tension était déjà très forte à ce moment-là. »
Le tout a débuté en 2021, lorsque les habitants d’Amizour ont appris l’existence du projet à travers un appel à l’enquête publique affiché par la mairie. Des sondages sur la montagne étaient en cours depuis des années et la présence de zinc et de plomb avait été validée, le gisement étant même classé « parmi les cinq plus importants du monde » par la presse algérienne. Cependant, aucun travail d’exploitation n’avait encore commencé. Une telle réticence peut s’expliquer par des soucis environnementaux, mais aussi à partir de 2014, par les doutes concernant la capacité de l’entreprise australienne Terramin à respecter ses promesses financières, partenaire d’entreprises publiques algériennes dans une coentreprise. C’est cette même combinaison, nommée Western Mediterranean Zinc Spa (WMZ), qui est actuellement en collaboration avec le chinois Sinosteel. L’exploitation de la mine, qui n’est plus « à ciel ouvert » mais « souterraine » afin de minimiser les impacts environnementaux, est prévue pour une durée de dix-neuf ans à partir de 2026.
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