Aboubacar, un jeune homme originaire du Niger, a fait de son existence sous un pont proche de Bridja, dans la municipalité de Staouéli à l’ouest d’Alger, sa maison. Bien que son environnement manque de romantisme, Aboubacar, qui a une vingtaine d’années, ne se lamente pas. Depuis le dernier trimestre, il mendie à l’entrée du marché municipal d’Ain Benian, participant à la vie locale voisine de Staouéli, où son abri se situe sous le fameux pont. Il cherche à amasser de l’argent pour démarrer son propre commerce, pour améliorer sa vie quotidienne et soutenir financièrement sa famille restée à Zinder, au Niger.
Pour atteindre ce quartier de la capitale algérienne, Aboubacar a voyagé environ 3300 km par camion. Le trajet entre Zinder et les frontières algériennes, malgré des conditions variées, est supportable. Cependant, le voyage devient dangereux à partir d’In Guezzam, à l’extrême sud-est de l’Algérie. Aboubacar raconte comment en l’absence de visa, il doit traverser clandestinement les frontières, dépendant de guides qui peuvent l’abandonner au milieu du désert si les douanes algériennes le poursuivent.
La question de la migration est un sujet qui alimente les tensions entre l’Algérie et ses voisins du Sud, et qui a été à l’origine d’un refroidissement des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Niger. L’ambassadeur d’Algérie à Niamey a été convoqué le 3 avril 2024 pour adresser les protestations concernant la ‘violence’ des opérations d’expulsion des migrants ouest-africains.
Le passage de Ali Mahamane Lamine Zeine, le Premier Ministre du Niger, en Algérie les 13 et 14 août a marqué un tournant dans le dossier complexe des migrants, qui vivent entre la crainte de l’expulsion et l’espoir de se construire une existence dans un pays où les opportunités de travail, surtout dans la construction, sont abondantes. Il a visité ce pays avec une éminente délégation ministérielle, illustrant l’indétermination constante due à une politique d’immigration indécise à Alger.
Les femmes supplient aux carrefours pour des dons et seuls les Maliens sont exemptés de visa, grâce à un accord bilatéral, ce qui les rend « privilégiés » par rapport à d’autres Subsahariens selon Ibtissam Hamlaoui, la Présidente du Croissant-Rouge Algérien. Elle a souligné que, à part les Sahraouis qui sont considérés comme des réfugiés, tous les autres sont des immigrants et doivent respecter les lois de l’Algérie en matière d’entrée et de sortie du territoire. Selon elle, il est très difficile d’estimer le nombre total de ces migrants.
Aboubacar, quant à lui, se considère « chanceux » d’avoir réussi à traverser le Sahara avec peu de problèmes, attribuant sa survie à un talisman. Il partage sa vie sous un pont avec d’autres voyageurs du désert, qu’il considère à présent comme sa famille. Une cinquantaine de migrants, principalement des femmes et des enfants, vivent sous ce pont dans des conditions précaires. Ils dorment à la belle étoile, entourés d’arbres fruitiers, sur des matelas sales et usés ou directement sur le sol ocre.
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