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2 septembre 2024 14 h 11 min

« Leclerc: Avocat de Garde et Perspective »

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Si l’un d’eux est destiné à rester, ce sera lui. Henri Leclerc était devenu la figure emblématique des avocats, prouvant qu’on peut être à la fois une figure de proue et une légende, être le plus grand, le plus sans compromis en matière de droits de la défense et de libertés individuelles, tout en inspirant aussi de l’affection, une émotion qu’il savait admirablement allier à sa grandeur. Il incarnait l’humanité, un homme d’une gentillesse naturelle, une phrase que l’on aimerait rédiger en deux mots distincts pour la renforcer. Il adorait rire, cuisiner, boire, manger, mener la vie. Pour lui, les gens passaient avant tout et il envisageait sa profession comme un moyen de les rendre aimables. Cet amour là s’accompagnait d’une capacité à s’indigner au-delà du commun qu’il qualifiait de « furieuse » et d’une vivacité presque juvénile. Il était véritablement l’homme à décrire par des antithèses.

Il aimait les êtres humains mais avait une passion dévorante pour les avocats. Lors d’un congrès à la Maison des avocats, un endroit familier pour nous et lui, il prenait part à une discussion où un juge, et pas n’importe qui, le président du tribunal de Paris de l’époque, avait violemment critiqué « les avocats » en général, nous blâmant pour entraver le bon fonctionnement de la justice, ce qu’il aurait dû applaudir car, effectivement, c’est notre rôle. Nous empêchons la machine judiciaire d’agir sans réfléchir, de broyer plutôt que de simplement punir ou condamner un innocent.

Auparavant, la salle s’était moquée du magistrat, les dirigeants avaient essayé d’exercer leur influence, chacun exagérant à sa manière, et Henri Leclerc avait décidé de « riposter même si ce n’était pas son moment d’intervenir ». Il était lassé de cette lutte futile qui mettait les avocats en conflit avec les juges, et avait mis en garde le magistrat en lui disant : « Ne coupez pas la branche sur laquelle vous êtes perchés ». Il avait rappelé que les avocats défendaient chacun, il nous considérait comme les piliers du droit sur lesquels la société est basée, il aurait pu ajouté également que nous sommes comme des vieux arbres qui aident les jeunes pousses à grandir. Il se battait « contre une justice qui se dégrade » et ne faisait que la valoriser.
Marcher vers la porte ouverte
La première plaidoirie que j’ai écoutée, quand j’étais étudiant, était la sienne, à la cour d’assises de Paris, où il représentait une jeune fille de mon âge. Plusieurs générations d’avocats peuvent témoigner que Henri Leclerc a été une source d’inspiration tout au long de leurs carrières. Il l’est resté, ce sont ses mots, ses pensées, ses actes, son sincérité franche qui nous a soutenus dans les moments de déception, devenant notre guide dans les grands enjeux lorsque nous hésitions.
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