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2 septembre 2024 3 h 11 min

La valeur de la jeunesse équivaut à celle d’une messe prolongée

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Une oreille non familière avec la liturgie catholique pourrait ne pas détecter immédiatement la distinction. Tout comme dans une messe traditionnelle, on y entonne le Kyrie eleison (qui signifie « Seigneur, aie pitié » en ancien grec), on y fait des gestes de croix, et lorsque le prêtre déclare « Que le Seigneur soit avec vous », l’écho de la congrégation est « Et avec votre esprit ». Benoît Thevenon, 33 ans, étudiant aux Facultés de la Loyola, l’institut supérieur des Jésuites à Paris, et le coordinateur général de la « Messe qui prend son temps » (abréviée en « MT »), confirme que c’est bien une messe catholique qui suit le missel romain, une structure liturgique approuvée par le Vatican.

Cependant, cette messe n’est pas exactement comme les autres. La « MT » a été spécifiquement conçue par l’Ordre des Jésuites pour s’adresser aux jeunes, sachant que seulement 30% des Français de moins de 25 ans s’identifient comme « chrétiens » (selon Odoxa, 2022), comparativement à 50% de la population en général, et que seulement 7% des catholiques de moins de 30 ans assistent à la messe le dimanche(selon une étude de 2018 co-dirigée par l’Institut catholique de Paris).

L’église Saint-Ignace de Paris, située dans le 6ème arrondissement, présente chaque dimanche à 19H une « messe du temps » (MT). Contrairement à une messe traditionnelle qui dure environ une heure, cette messe-ci dure une heure et demie. Mais la particularité la plus déroutante est le silence absolu qui règne pendant 20 minutes en plein cœur de la cérémonie. C’est une occasion pour les paroissiens de réfléchir individuellement sur les lectures qu’ils ont entendues.

La cérémonie se poursuit avec une mélodie qui invite tout le monde à reprendre place et à discuter en petits groupes de trois ou quatre des moments qui les ont particulièrement marqués pendant la messe.

Dans un contexte où le clergé catholique tend à monopoliser les activités et face à une interrogation croissante sur le « cléricalisme » (la centralisation du pouvoir entre les mains du clergé), cette messe donne à tous les fidèles la possibilité de participer activement, que ce soit pendant la messe ou encore en amont en choisissant les musiques ou en rédigeant les prières.

Comme l’explique l’historien Charles Mercier, auteur du livre « L’Eglise, les jeunes et la mondialisation» (Bayard, 2020), cette liturgie offre une réponse adaptée à certaines attentes de notre temps. Elle équilibre la dimension personnelle de la prière avec une plus grande participation de la communauté : tout le monde interagit et le clergé n’est pas le seul à orienter le déroulement.

Benoît Thevenon, qui occupe la position de coordinateur général depuis trois ans, est le visage ainsi que le maestro de la « MT ». Il prépare une carrière de prêtre après ses études en philosophie et théologie, et s’efforce de préserver un sens de communauté. Il convie les croyants chaque dimanche soir pour un verre et un dîner une fois par mois. Il offre également un « cadeau » aux nouveaux venus. « Je leur offre des Kinder à la fin, rit-il. Cela peut sembler stupide, mais je crois qu’ils se sentent les bienvenus. »
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