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2 septembre 2024 17 h 09 min

« Kiev demande frappes profondes sur Russie »

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Découvrez l’ensemble de nos articles, examens et reportages relatifs au conflit ukrainien. Les élucidations, études et décodages proposés par « le Monde ». Stanislav Asseyev, reporter d’Ukraine, exprime : « Ce n’est pas l’angoisse de mourir qui m’oppresse, c’est celle d’être de nouveau capturé par les Russes ». L’Ukraine a démoli des ponts en Russie, nous vous expliquons pourquoi. L’initiative militaire ukrainienne dans le sud russe figure dans un long processus historique. Des discussions clandestines sans résolution entre Moscou et Kiev. Les derniers moments de la maternité de Pokrovsk en territoire libéré dans le Donbass. Nos clarifications aux interrogations les plus récurrentes des lecteurs. Cliquez sur une ligne pour en savoir plus. Comment Moscou et Kiev se servent-ils des drones ?

Dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, la bataille des drones a explosé en importance ces derniers mois. Selon une étude publiée en mai 2023 par un groupe de réflexion britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens égaraient environ 10 000 drones chaque mois soit plus de 300 chaque jour. Pour comparaison, l’armée de France possède un peu plus de 3 000 drones dans ses stocks.

Russes et Ukrainiens emploient principalement de petits véhicules aériens sans pilote (UAV en anglais) d’origine civile, économiques et disponibles en grande quantité. Ils sont utilisés pour inspecter le champ de bataille, guider les forces ou les tirs d’artillerie. Certains sont adaptés pour transporter de petites explosifs, qui sont ensuite déversés sur les tranchées ou les véhicules blindés.

Dans les conflits actuels, les drones-kamikazes revêtent une importance majeure malgré leur nombre réduit. Ces véhicules aériens sans pilote (UAV), équipés de charges explosives, sont expédiés au-dessus des lignes de bataille sans directive prédéfinie. En plus des drones Lancet-3 fabriqués en Russie, Moscou recourt également à des Shahed-136 de production iranienne. À défaut d’une flotte militaire adéquate, l’Ukraine déstabilise l’ennemi en utilisant des navires non tripulés, de petits kayaks téléguidés dotés d’explosifs (450 kilos de TNT).

Il est indéniable que les drones sont devenus essentiels à leurs opérations militaires – les Ukrainiens et les Russes s’organisent pour maintenir le ravitaillement de leurs troupes à long terme. Cela est réalisé non seulement en achetant une grande quantité de drones civils sur le marché, mais aussi en établissant leurs propres moyens de production. Malgré des débuts hésitants lors de la guerre du Donbass qui a commencé il y a dix ans, l’industrie nationale ukrainienne a réussi à se développer. À la fin du mois d’août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé que les Ukrainiens avaient réussi à copier le drone Lancet russe et que cette réplique, appelée Peroun, serait bientôt déployée. Peroun est le nom du dieu slave de la foudre et du tonnerre.

Confrontée à des sanctions occidentales qui restreignent l’accès aux composants électroniques, la Russie peine à progresser. Cependant, selon les agences de renseignement américaines, Moscou aurait commencé à construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga afin de produire des drones-kamikazes inspirés des modèles iraniens, tels que le Shahed-136.

Concernant les stocks de missiles russes, il est extrêmement complexe, voire impossible, de déterminer leur état actuel. Bien que les services de renseignement ukrainiens partagent régulièrement des informations à ce sujet, leurs évaluations sont sujettes à des doutes et des interrogations.

D’après les informations donné par Andri Ioussov, représentant des services de renseignements du département de la défense (GUR), révélées par Liga.net, les forces russes possédaient 2300 missiles balistiques ou de croisière avant le déclenchement du conflit et plus de 900 au commencement de cette année. En addition à ce nombre, a précisé le porte-parole, une dizaine de milliers de missiles antiaériens S-300 ayant une capacité d’atteindre jusqu’à 120 kilomètres, ainsi que d’importants stocks de S-400, une variante plus récente avec une portée triplée. En août, Vadym Skibitsky, le deuxième responsable du GUR, avançait le nombre de 585 missiles capables de couvrir plus de 500 kilomètres.

Quant à la production, elle aurait augmenté à environ une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, d’après plusieurs spécialistes. En octobre, le GUR estimait cette production à 115 unités.

Par ailleurs, la Russie aurait acquis des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait d’en acheter. Reuters, citant diverses sources iraniennes, indique que 400 missiles iraniens de la catégorie Fateh-110 (300 à 700 kilomètres) lui auraient été fournis depuis janvier, moment où un accord aurait été signé. Le nombre de missiles nord-coréens achetés par la Russie reste inconnu, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. D’après l’analyse des experts sur les débris et les trajectoires, il s’agirait probablement des missiles KN-23 et KN-24 ayant une portée approximative de 400 kilomètres.

Mais qu’en est-il des avions de chasse F-16 ?

Initialement en août, l’Ukraine a accueilli ses premiers avions de combat F-16, fabriqués aux États-Unis, une demande que Kiev avait formulée depuis le début du conflit. Oleksandr Syrsky, le commandant des forces armées, a déclaré que l’usage efficace de ces avancés avions militaires pourrait protéger et sauver des vies de soldats ukrainiens. De plus, le président parlementaire, Ruslan Stefanchuk, s’est également réjoui de la réception de cet avion de guerre tant attendu, capable d’accroître considérablement leurs compétences.

Cependant, le 30 août, le haut commandement militaire ukrainien a déclaré qu’un de ces avions s’était écrasé lors d’une défense face à une attaque de missiles russes massive sur l’ensemble du territoire ukrainien. Depuis le début de l’invasion russe en février 2022, Kiev avait constamment demandé des F-16 américains. En août 2023, le président des États-Unis, Joe Biden, avait autorisé le déploiement de ces avions en Ukraine, sans pour autant fournir aucun des aéronefs des États-Unis.

D’ici 2028, Kiev doit recevoir au total 95 avions promis par leurs alliés : trente de Belgique, vingt-quatre des Pays-Bas, vingt-deux de Norvège et dix-neuf du Danemark. La Suède a également promis d’envoyer, fin mai, un aéronef de type Awacs, fondamental pour collecter des renseignements et coordonner des opérations potentielles avec les F-16.

De plus, les pilotes ukrainiens doivent maintenant se familiariser avec ces nouveaux avions de guerre américains. Pour cela, onze pays alliés à Kiev se sont engagés à former les pilotes.

Deux ans après l’escalade du conflit, le soutien de l’Occident à Kiev diminue : les nouvelles aides se sont réduites entre août 2023 et janvier 2024 par rapport à la même période de l’année précédente, comme indiqué dans le dernier rapport de l’Institut Kiel publié en février 2024. Cette baisse de soutien pourrait continuer, avec le Sénat américain ayant du mal à approuver davantage d’aides, et l’UE luttant pour adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison du blocage hongrois. Notamment, ces deux paquets d’aide ne sont pas inclus dans le dernier bilan de l’Institut Kiel qui s’arrête en janvier 2024.

De plus, selon l’Institut Kiel basé en Allemagne, le nombre de donateurs diminue et se focalise autour d’un groupe central de pays: les États-Unis, l’Allemagne, et les pays du Nord et de l’Est de l’Europe, qui promettent à la fois une aide financière conséquente et des armes modernes. Depuis février 2022, les pays en soutien à Kiev se sont engagés à verser au moins 276 milliards d’euros pour le militaire, le financier ou l’humanitaire.

En termes absolus, les pays les plus riches ont été les plus généreux. Les États-Unis sont de loin les premiers donateurs, avec plus de 75 milliards d’euros d’aide promise, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les pays de l’UE ont annoncé des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides combinées provenant des fonds de l’UE (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.

Lorsqu’on évalue ces dons en proportion du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays, le tableau est réorganisé. Les États-Unis tombent à la vingtième place (0,32% de leur PIB), loin derrière des pays limitrophes de l’Ukraine ou d’anciennes républiques soviétiques amicales. L’Estonie se place en première position des dons en proportion du PIB avec 3,55% de son PIB, suivie par le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%). La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) complètent le top 5. Les trois pays baltes, ayant tous des frontières avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, sont parmi les plus généreux donateurs depuis le début du conflit.

En ce qui concerne le pourcentage du PIB, la France se classe vingt-septième, ayant promis 0,07% de son PIB, juste après la Grèce (0,09%). L’assistance offerte par la France a diminué de manière constante depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France était classée vingt-quatrième en avril 2023, et treizième en été 2022.

Que savons-nous des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne?

Durant plusieurs mois, la Pologne et l’Ukraine ont connu des dissentiments. La question majeure est le transit des produits céréaliers d’Ukraine. Au printemps 2022, des « corridors de solidarité » ont été établis par la Commission européenne pour soutenir l’évacuation et la commercialisation de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient, sans établir des tarifs douaniers. Toutefois, d’après la Fondation Farm, un groupe de réflexion axé sur les sujets agricoles mondiaux, environ 50 % des céréales ukrainiennes sont expédiées ou terminent leur voyage dans l’Union européenne (UE) depuis le début du conflit. Ces produits céréaliers ont un prix nettement inférieur au blé cultivé en UE, en particulier dans les pays d’Europe centrale.

La Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont justifié leur décision de bloquer unilatéralement leurs imports en Avril 2023, en affirmant que ces céréales perturbent leur marché local et donc les revenus de leurs éleveurs, une restriction que la ville de Bruxelles avait approuvée, à condition qu’elle ne bloque pas le transit vers d’autres pays et qu’elle ne dure que quatre mois. Cependant, la Pologne a annoncé qu’elle ne rétablirait pas le passage de céréales ukrainiennes à la fin de l’été, jugeant que le problème à la source restait sans règlement, bien que Bruxelles soit d’avis que l’embargo n’était plus justifié, car ses évaluations montraient que les marchés nationaux de céréales n’étaient plus déformés.

Depuis un moment, les fermiers de Pologne empêchent les véhicules ukrainiens de franchir la frontière polono-ukrainienne, exigeant une interdiction totale des biens agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine. Leurs protestations se justifient par l’augmentation drastique de leurs coûts de production alors que leurs silos et entrepôts sont remplis à ras bord et les prix atteignent un creux historique. En 2024, le chef d’état ukrainien avait exprimé que le blocage de la frontière polonaise reflétait une décrépitude de la solidarité envers l’Ukraine, sollicitant des discussions avec la Pologne. « C’est seulement Moscou qui trouve satisfaction dans ces conflits », avait-il déclaré, critiquant « l’émergence de slogans clairement en faveur de Poutine ».