C’était une interruption magique, emplie de richesses, pendant laquelle la France semblait momentanément avoir mis de côté ses tensions et son pessimisme, comme si elle avait pris congé, selon une description faite par le quotidien espagnol El Pais, début août. On aurait pratiquement oublié ce pays. Après l’exaltation des Jeux olympiques, qui continue de plus mitigé avec les compétitions paralympiques, la dure réalité des finances fait son apparition alors que l’approbation du projet de loi de budget 2025 par le Parlement approche. Ce rendez-vous politique et économique est un défi ; jamais, sous la Ve République, le doute sur le contenu et l’adoption de ce projet n’avait été aussi grand.
Matignon et Bercy n’ont pas commencé sans rien. Durant l’été, le gouvernement démissionnaire a préparé un projet de loi de budget, décrit comme « réversible, » qui maintient les 492 milliards d’euros de 2024, soit une réduction de 10 milliards en tenant compte de l’inflation. Gabriel Attal, le premier ministre sortant, a cependant procédé à des réductions dans les fonds pour l’emploi et l’environnement, même si le ministère des Comptes publics a reconnu une baisse minime des revenus fiscaux attendus.
Une pression politique et économique inédite se fait ressentir sur l’élaboration du budget actuel. Dans le passé, le gouvernement dominant (même avec une majorité relative) avait la latitude de déterminer ses priorités sans la peur d’un rejet majeur à l’Assemblée nationale. Cependant, la situation a changé, les décisions maintenant étant principalement influencées par des contraintes politiques visant à produire un document qui pourrait être approuvé sans intervention gouvernementale. « La coalition ou l’accord législatif se formera, ou non, autour du budget », avait déclaré Thomas Cazenave, le ministre démissionnaire des comptes publics, dans une interview publiée dans Les Echos le 5 août.
Cette loi de finance se voit attribuer un rôle sans précédent. Plus qu’un projet isolé, elle pourrait définir le cadre de gouvernance d’une coalition, en l’absence de possibilité de réforme. Cela entraîne un risque significatif de générer un budget qui reflète le plus petit consensus entre les partis ayant accepté cet « accord législatif », qui pourrait s’effilocher à tout moment. Cette situation risque de paralyser le pays jusqu’à la prochaine dissolution – et très probablement jusqu’à l’élection présidentielle de 2027. Il est donc temps de briser les tabous.
Même si les budgets proposés par les trois blocs semblent irréconciliables, on peut encore rêver que des partis responsables trouveront une solution au blocage provoqué par Emmanuel Macron. Imaginez une droite prête à briser le tabou de l’augmentation des impôts pour les plus riches sans toucher directement aux entreprises, comme le propose Gabriel Attal. Visualisez le Nouveau Front Populaire en train de reconsidérer son aversion pour l’austérité budgétaire, comme le préconise la gauche social-démocrate. Pensez à un Rassemblement National qui serait prêt à abandonner sa politique d’embuscade et à mettre en veille un programme trop coûteux. L’idée serait, en somme, d’atteindre un équilibre entre « économies et sacrifices » d’un côté, et « augmentations d’impôts justes et ciblées » de l’autre, comme l’arguait Frédéric Salat-Baroux, un chiraquien, dans le journal Le Monde en début d’aout, rejoint par de nombreux économistes favorables à de tels compromis. Il reste encore 45.66% de cet article à lire, réservé uniquement pour les abonnés.