Steffen Mau, professeur de sociologie à l’Université Humboldt de Berlin, a récemment écrit un ouvrage intitulé « Ungleich vereint » (éd. Suhrkamp, 168 pages, non traduit) où il analyse notamment la popularité du parti d’extrême droite, Alternative pour l’Allemagne (AfD), particulièrement dans les régions autrefois établies sous la République démocratique allemande (RDA). Ce phénomène devrait se répéter le dimanche 1er septembre lors des élections régionales en Saxe et en Thuringe, où le parti est estimé à environ 30% des intentions de vote.
Lors des élections régionales en Bavière (Munich), en Hesse (Francfort-sur-le-Main) et au Bade-Wurtemberg (Stuttgart), les électeurs ne sont pas identifiés comme « de l’Ouest ». En revanche, lors des votes dans l’ex-RDA, nous sommes souvent rappelés que ces électeurs sont « de l’Est ». Cela soulève une question intéressante – l’Allemagne demeure-t-elle un pays divisé, 34 ans après sa réunification ?
Entre 1990 et 2000, l’idée dominante était que l’Est finirait par rejoindre l’Ouest sur le plan économique. Cela s’est avéré en grande partie vrai : il y a vingt ans, le chômage à l’Est dépassait celui de l’Ouest de 10 points, aujourd’hui l’écart est de seulement 2 points. De plus, l’image d’une Allemagne de l’Est encore affectée par la fermeture des anciens conglomérats de RDA doit être revue. Ces dernières années, des investissements significatifs ont été effectués dans des secteurs prometteurs comme les batteries électriques ou les semi-conducteurs.
Dans certains aspects, la convergence n’a pas été réalisée, notamment en ce qui concerne la démographie. Excluant Berlin, l’Est a connu une baisse de 15% de sa population depuis 1990, tandis que l’Ouest a vu une augmentation de 10%. La population de l’Est est plus âgée, compte moins d’immigrants proportionnellement, et est plus masculine, avec des ratios variant de 120 à 130 hommes pour 100 femmes dans les petites villes et les régions rurales.
On peut observer une sur-représentation des hommes célibataires, beaucoup d’entre eux imprégnés de culture patriarcale, qui pourrait expliquer pourquoi l’AfD, un parti dont seules 20% des membres sont des femmes, obtient ses meilleurs résultats dans ces territoires.
L’AfD, déjà bien établie en Saxe et en Thuringe, pourrait obtenir des scores inédits ce dimanche. Cependant, dans votre livre, vous soulignez qu’au niveau politique, la particularité de l’Est ne se résume pas aux chiffres exceptionnellement élevés de l’extrême droite. L’intégralité de cet article est accessible aux abonnés, avec 69,11% restant à lire.