Depuis 1881, la loi a mis en place des règles régissant la cohabitation entre propriétaires privés, introduisant des limitations sur la plantation d’arbres. Selon l’article 671 du Code civil, on ne peut posséder d’arbres qu’à la distance spécifiée par les « règlements particuliers » ou les « usages ». En l’absence de tels, la distance minimale est de 2 mètres de la ligne de démarcation si l’arbre dépasse 2 mètres de haut, et de 50 centimètres dans les autres cas. Ainsi, le risque d’inconvenience pour le lot voisin, en raison de branches ou de racines, est minimisé.
L’article 672 stipule que le voisin peut demander le déracinement ou la diminution des arbres trop proches. Il énumère également certaines exceptions. Depuis 1850, la jurisprudence (par exemple, la décision 98-22.382) a reconnu que ce voisin n’a pas à prouver un préjudice pour faire valoir ses droits.
Néanmoins, ces normes sont-elles en accord avec le besoin d’atténuer le changement climatique et de conserver les plantes qui participent à la modulation de la température ? Cette question devient de plus en plus pertinente, en particulier en rapport avec un conflit imminent en 2022.
Dans cette affaire, les X, qui ont un tulipier du Japon sur leur propriété, ont été sommés par leurs voisins, les Y, de tailler et d’élaguer cet arbre. Cependant, deux paysagistes leur ont expliqué que la réduction de la hauteur de l’arbre à 2 mètres serait mortelle pour ce dernier. Malgré une tentative de médiation, aucun accord n’a été trouvé.
La famille Y a porté l’affaire devant le tribunal, citant non seulement une violation des distances légales, mais aussi un « dommage » causé par une perturbation « anormale » de la voisinage : l’arbre serait responsable d’une diminution de l’ensoleillement, du blocage des gouttières et d’une nuisance lors de l’ouverture d’un Velux. Cependant, la famille X, qui ne possède pas de représentation légale, présente des défenses basées sur des préoccupations écologiques.
« Domage écologique »
Le tribunal judiciaire de Nantes (Loire-Atlantique) a rejeté la plainte de la famille Y le 3 octobre 2023, faute de preuves suffisantes de leur dommage : selon le tribunal, « seule une branche dépasse encore la limite de propriété », et elle « ne bloque pas ni n’empêche la fermeture du Velux ». Le blocage des gouttières « n’a pas été prouvé » et le manque d’ensoleillement « n’est pas certain » ; de plus, « l’arbre était déjà là » avant que la famille Y n’ajoute une extension à leur maison.
Le tribunal reconnaît que l’arbre « se situe à moins de 2 mètres de la limite de propriété et culmine à plus de 2 mètres de hauteur ». Toutefois, il affirme qu’il « a un impact indéniable sur l’environnement et l’écologie », qu’il « contribue à la communauté » et qu' »à ce titre, il devrait être sauvegardé, conformément à l’article 2 de la Charte de l’Environnement, qui stipule que « chaque individu a la responsabilité de contribuer à la préservation et à l’embellissement de l’environnement ». En effet, l’abattage de cet arbre pourrait « causer un dommage écologique, tel que défini à l’article 1247 du Code civil ».
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