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31 août 2024 19 h 11 min

« Roger Caillois: Préférence pour les Pierres »

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L’écrivain, éditeur et bienfaiteur Victoria Ocampo a facilité le séjour de Roger Caillois en Amérique latine à plusieurs reprises. De nature attirée par le froid, l’aridité et les roches, il n’avait aucune affection pour l’eau, les forêts luxuriantes et la chaleur, ce qui l’a naturellement conduit à préférer la Patagonie à l’Amazonie. Par ailleurs, au cours de son séjour au Brésil, il s’est rendu dans la forêt amazonienne, une expérience qu’il a trouvée terrifiante, spongieuse, avide, extrêmement féminine, et qui lui a provoqué une répulsion vertigineuse.

Il considérait cette vivacité et cette prolifération végétales comme une menace, se demandant ironiquement si la chlorophylle en excès ne présentait pas plus de dangers que la pollution. Il avait une aversion profonde pour une fécondité démesurée et incontrôlée, qui ne s’arrêtait pas malgré son propre dépassement, ce qui est une position plutôt inhabituelle.

À l’inverse, le monde minéral était vu d’une manière totalement différente par Caillois, qui était un collectionneur et un expert des pierres. Progressivement, il a commencé à les observer, à les analyser, à les décrire (Pierres, L’Ecriture des pierres), à en être absorbé et même à y chercher refuge. Il se sentait devenir en quelque sorte une pierre, qui offrait une forme de tranquillité à l’homme anxieux, tourmenté par l’alcoolisme et la maladie : « Il existe une sorte de courant entre la constance des pierres et l’agitation de l’esprit, qui me procure un soulagement et une sagesse inoubliables ».

Il s’agit donc de surmonter les failles.

Caillois avait une fascination pour une forme d’auto-destruction symbolisée par l’absorption dans les pierres : une évasion vers l’extinction totale, la pétrification, la fossilisation, le mélange, l’élimination complète de soi-même. Influencé par sa fascination pour la « psychasthénie », il voyait ceci comme l’absorption du soi dans l’univers et sa fusion avec l’espace environnant. Les pierres, pour lui, représentaient aussi un moyen de cristallisation qui permettait de surmonter les fractures et les contradictions internes et du monde en général. En fait, pour lui, les pierres étaient le monde lui-même, un « exemple d’un inaltérable inhumain », une absence d’événements dramatiques comme la rançon de la vie. Elles transcendent le temps humain et mettent l’homme face à son éphémérité, lui rappelant son caractère évanescent. Le rejet ou la négation ne sont pas nécessaires.

Caillois voyait les pierres comme le symbole de cet « univers incertain », « vaste et labyrinthique », où « les brumes et les nuages qui constamment s’étiolent et se recomposent, cachent un plan grillagé ». Pour lui, le monde n’était pas une « forêt entrelacée et embrouillée, mais une forêt de colonnes dont les alignements rythmiques renvoient un seul message : la prédominance, malgré le bruit environnant, d’une architecture épurée ».

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