Tout y est précisément représenté : l’entrée principale, un panneau d’affichage quelque peu usé, une jardinière à la fenêtre, le graffitis sur la façade métallique, la carte du Pizza Express et même les imperfections des trottoirs. Ce morceau d’une rue de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, est presque comme le réel, bien qu’il soit plus petit qu’une maison miniature. « Même les autocollants minuscules sur les boîtes aux lettres sont des copies exactes. Pour atteindre ce niveau de détail, il faut être un peu perfectionniste, » plaisante Nicolas Pierre, le créateur de ce monde microscopique.
L’artiste modéliste a choisi son échelle préférée pour ce projet : 1/87, ce qui signifie que 87 centimètres de réalité sont réduits à un seul centimètre. Ces bâtiments, maintenant démolis pour faire place à un projet immobilier, ont été sa première maquette il y a cinq ans. Depuis, cet autodidacte de 38 ans, formé dans un lycée d’arts graphiques, n’a cessé de reproduire le monde réel avec un niveau de détail incroyable, au point d’en faire sa profession. « J’ai toujours aimé dessiner des scènes urbaines de manière réaliste et puis j’ai décidé de pousser encore plus loin : créer des maquettes en 3D. J’ai la chance de pouvoir en vivre aujourd’hui, » explique Nicolas Pierre, dans la pièce de son appartement qui lui sert d’atelier, situé près du marché aux puces de Saint-Ouen. Il fabrique des maquettes sur mesure pour des clients particuliers et des entreprises, et vient de terminer une commande pour la maison Hermès, sa première incursion dans le monde du luxe.
Sa cour de récréation privée se situe dans le tissu urbain du Nord-Est de Paris, s’étendant du 18ème arrondissement à la banlieue environnante. « Barbès, Belleville, La Chapelle, Seine-Saint-Denis… Mes modèles rendent hommage à ces quartiers populaires, sans dissimuler leur décrépitude occasionnelle : les graffitis, les posters qui restent collés, le PMU bar, les épiceries de nuit, les façades superposées… Ce sont des lieux en perpétuel changement, qui disparaissent, qui voient leur population évoluer, et à qui je rends justice en racontant un peu de leur histoire », explique ce natif de Saint-Ouen, qui travaille sur une série de répliques dédiées aux symboles du hip-hop francilien, comme les disquaires et les salles de concert.
Son espace de travail ressemble à celui d’un enfant après une journée pluvieuse : feutres, ciseaux, tubes de colle, papiers découpés, restes de carton… « J’ai des matériaux favoris, comme le carton plume pour la structure principale, mais je suis en train de tester le bois MDF découpé au laser. La création de modèles réduits est un art du bricolage permanent. Il n’y a pas d’école, pas de méthode : j’expérimente et j’apprends en même temps. » Pour chaque projet, Nicolas Pierre se documente en prenant des photos sur place, qu’il compare avec les informations fournies par Google Earth – un outil indispensable pour les miniaturistes. Et il est ouvert à l’utilisation de n’importe quel matériau, comme ces spaghettis non cuits qui reproduisent l’aspect cannelé d’un toit en zinc, invisibles sous la peinture grise, ou le papier à cigarette glissé derrière une fenêtre, qui crée l’illusion parfaite d’un rideau fermé.
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