Découvrez tous les épisodes de la série « Les mauvaises bonnes suggestions de l’été » ici. Dans chaque coin dissimulé des armoires d’alcool à travers la France – pour ceux qui en ont – il y a une bouteille un peu couverte de poussière et presque pleine, qu’on hésite à servir pour l’apéro ou le digestif. C’est peut-être une bouteille de limoncello, de porto, d’ouzo, ou n’importe quel autre boisson ramené de voyage. Le cinquième manquant a été consommé quelques jours après le retour de vacances, avant de réaliser que même si on adorait les vacances en Italie, au Portugal, ou en Grèce, on n’aimait pas vraiment leur boisson traditionnelle.
C’est ce qu’on appelle « l’Effet Limoncello ». C’est un phénomène étrange qui amène chaque été des milliers de personnes à acheter des bouteilles d’alcool et d’autres produits dont le goût change une fois qu’ils sont déplacés. Mes cousins, Basile et Clara, ont ramené une bouteille de pisco du Pérou il y a plusieurs déménagements. Le goût de l’alcool a inexplicablement changé en Indre-et-Loire. Quant à l’idée d’ajouter un blanc d’œuf pour faire un cocktail, cela paraît moins délectable à la maison qu’en les Andes.
« L’Effet Limoncello » n’affecte pas seulement les alcools (raki, chouchen, saké, Amarula, rhums aromatisés, liqueurs colorées…), mais aussi bien d’autres produits. Les experts du phénomène estiment même qu’il peut se manifester chez les humains, par exemple quand on retrouve à Orléans sous la pluie une personne pour qui on a eu un coup de foudre en camping en Sardaigne. Un cadeau parfait.
Dans l’univers de la gastronomie mémorable, il est important de noter que chaque pays produit sa propre version d’une douce, souple et sucrée, qui se commercialise généralement dans les aéroports avec divers noms – nougat, torrone, loukoum, giurgiulena – et qui fait le cadeau parfait. Par exemple, mon camarade Frédéric fait toujours un arrêt à la boulangerie Riguidel pour acheter trois kouign-amann avant de quitter Quiberon; que cela dit, il est surpris chaque année de voir à quel point ils perdent de leur charme une fois qu’ils sont conservés dans la partie inférieure de son réfrigérateur à Paris.
Cependant, avant cela, quand Frédéric voyageait en Corse, le propriétaire du camping lui offrait toujours une bouteille de myrte le jour de son départ. Là encore, lorsqu’il était consommé dans un appartement parisien de trois pièces, loin du bar de la plage, le goût de l’alcool changeait de manière significative. Ce qui est encore plus étonnant que ce changement de saveur, c’est notre incompétence à en tirer des enseignements. Assurément, l’été prochain, nous ramènerons une petite bouteille.
Comment peut-on expliquer ce phénomène intrigant? Eh bien, peut-être que cela est dû au fait que nous avons tendance à perdre le jugement pendant nos vacances. Peut-être que les bouteilles de limoncello conçues comme la tour de Pise ne servent qu’à brouiller davantage nos sens pour que nous soyons incapables de distinguer le bon du mauvais. C’est comme si un touriste étranger en France perdait toutes ses notions en face d’un paquet de pâtes colorées en forme de la tour Eiffel.
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