Les frères Gao, reconnus parmi les artistes chinois les plus influents de l’époque de l’ouverture de la Chine, ont subi les retombées de leur engagement politique audacieux. Leur travail a laissé une empreinte profonde dans une Chine dont la liberté est de plus en plus limitée. Gao Zhen, l’un des deux, a été arrêté le 26 août, une information validée par son jeune frère, Gao Qiang, qui s’est établi aux États-Unis récemment.
Le bureau de la sécurité publique de Sanhe, une localité située à l’est de Pékin, a informé l’épouse de l’artiste de son arrestation le jour suivant. Il a été accusé en vertu d’une loi de 2018 qui punit « les atteintes à la dignité et l’estime des héros et des martyrs ». Son avocate a pu lui rendre visite le 30 août. Des policiers ont effectué une fouille de son atelier et ont pris des photos de ses oeuvres, y compris des sculptures représentant Mao Zedong. Ces photos pourraient constituer des éléments d’accusation. Gao Zhen, sa femme et leur fils devaient s’envoler pour les États-Unis quelques jours plus tard, bien que l’on ne sache pas si ce projet a contribué à son arrestation.
Le destin tragique d’une famille marquée par les violences du maoïsme a été l’inspiration constante dans la carrière de ces deux frères, originaires de Jinan, au Shandong. Depuis le milieu des années 1980, ils concentrent une grande partie de leur œuvre sur ce sujet. En 1968, durant la Révolution culturelle, leur père est arrêté sous l’accusation d’être un ennemi de classe. Leur mère et leurs frères et sœurs apprennent son « suicide » 25 jours après, un événement dont ils ont toujours douté. La famille se révolte contre cette injustice et va à Pékin pour revendiquer leurs droits, mais ne reçoit qu’une compensation dérisoire.
Pendant leur parcours artistique, les deux frères se consacrent aux beaux-arts. La brutale répression du mouvement de Tiananmen en 1989, qu’ils immortalisent dans un « mémorial » (If Time Reversed, Memory 1989), renforce encore leur condamnation des crimes du régime. Ils se hissent parmi une vague d’artistes déterminés à défier la censure, collaborant avec le renommé Ai Weiwei, et deviennent des figures centrales de l’Espace 798 : un ancien complexe militaire du nord-est de Pékin transformé en studios d’artistes au début des années 2000 alors que l’art contemporain chinois commence à attirer les collectionneurs internationaux. Parmi leurs créations, une statue représentant des policiers emmenant de force une prostituée, ou encore une pièce exposant plusieurs individus nus, enfermés dans des cages en bois empilées symbolisant l’oppression de la société chinoise.
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