Valérie da Silveira, une experte en soin capillaire basée à Lomé, au Togo, s’est diversifiée pour prendre soin des âmes et des cœurs en détresse au cours de l’année passée. Deux décennies de tressage, tissage, peignage et défrisage dans son salon permettent à Valérie d’identifier les signes de mal-être chez ses clientes. Plutôt que de les renvoyer vers leur pasteur comme elle le faisait autrefois, elle leur propose une oreille attentive, quelques conseils et de les apaiser dans le cadre familier de son échoppe, parmi les extensions de cheveux, les vernis à ongles et les produits de shampoing.
En 2023, Valérie a entrepris une formation en premiers secours pour les troubles psychosociaux. Grâce à la Bluemind Foundation, une organisation non gouvernementale qui a lancé ce programme éducatif il y a deux ans, plus de 150 coiffeuses au Togo, au Cameroun et en Côte d’Ivoire ont pu bénéficier de cette formation. Cette initiative a pour but de désamorcer la stigmatisation des problèmes de santé mentale et d’améliorer le bien-être des femmes dans une région où les spécialistes en santé mentale sont rares.
D’après les données de la fondation, le Togo ne dispose que de cinq psychiatres pour une population de huit millions de personnes. Au Cameroun, la situation est encore plus précaire, avec seulement dix psychiatres pour une population de 26 millions de personnes. En moyenne, l’Afrique dans son ensemble ne compte pas plus de deux spécialistes de la santé pour 100 000 habitants, ce qui est dix fois moins que ce que recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les pays africains sont aussi ceux qui consacrent le moins de moyens financiers au traitement des maladies mentales, avec moins de 0,50 dollar par habitant. Ces déficiences, combinées aux crises économiques et sécuritaires que subit le continent, font de l’Afrique la région du monde avec le taux de mortalité par suicide le plus élevé, une situation qui inquiète l’OMS depuis 2022.
Malgré ces besoins criants, les problèmes de santé mentale restent souvent un sujet tabou au sein des communautés africaines. Marie-Alix de Putter, Franco-Camerounaise fondatrice de la Bluemind Foundation, se rappelle que sa famille ne voyait pas d’un bon œil qu’elle consulte un psychiatre. Pourtant, elle assure que ces consultations lui ont « sauvé la vie » suite au décès de son mari, le professeur de théologie français Eric de Putter, qui a été assassiné en 2012 sur un campus universitaire à Yaoundé (Cameroun), où il était en mission. Il reste 53,05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
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