Victor Malzac, un poète jeune et passionné, originaire d’Occitanie, est connu pour sa critique virulente sur l’ignorance de ses pairs à l’égard d’auteurs contemporains. A son arrivée à Paris et à l’École Normale Supérieure, il a été déconcerté de constater que ses camarades lisaient rarement des ouvrages modernes. Pour lui, beaucoup semblent croire que la littérature a pris fin après la Seconde Guerre Mondiale, ignorant des auteurs de renom tels que Maylis de Kerangal ou Shane Haddad. Il a été choqué d’apprendre cette réalité.
Ces mots frappants ont suscité une question intrigante. Comment pourrait-il mettre sur un pied d’égalité une romancière établie et maintes fois récompensée, et un auteur naissant avec seulement un roman à son actif?
Lors d’une rencontre avec Shane Haddad pour discuter de son deuxième ouvrage, « Aimez Gil », nous avons pris le soin d’appeler Malzac, fervent supporter de Haddad, pour éclaircir ses propos. Il ne connaissait pas personnellement Haddad, mais leur partageaient le même âge, 27 ans, et avait beaucoup apprécié son premier roman, « Toni tout court » [P.O.L, 2021], qu’il jugeait être rythmé et singulier. Pour lui, Haddad est une version tardive de Beckett. Toutefois, contrairement à Beckett, il insiste sur le fait qu’avec Haddad, le cadre et les détails de l’histoire sont bien plus définis.
Dans son premier roman brûlant et captivant, la chevelure était un thème récurrent qui racontait une journée de la vie d’une ardente fan de football. Son prochain récit, « Aimez Gil », met en scène un triangle amoureux (Mathieu, Mathias et Gil) et continue sur cette dynamique tout en conservant la même fébrilité. Cependant, une maturité évidente se dégage entre ces deux œuvres. À 24 et 27 ans, le récit change : une retenue mélancolique commence à apparaître, caractéristique que l’on retrouve chez de nombreux jeunes aujourd’hui. Shane Haddad, ayant travaillé à la mise en relation des acteurs et du public à la Bastille à Paris et ayant animé des ateliers d’écriture dans des lycées et pour les joueurs du Red Star, est experte sur le sujet. Elle parle de l’effet des réseaux sociaux et de l’accès à des images violentes sur le corps, ce qui crée un rapport mélancolique à la vie, et contribue à une perception de l’inutilité de jouir de nos existences. Elle mentionne avoir écrit « Aimez Gil » avec une vive conscience de sa propre mortalité après la fin de ses études et pendant la prise de décisions importantes. Cela a engendré une peur et l’impression qu’elle n’avait plus rien à apprendre. Toutefois, cela l’a fait se sentir plus âgée et mature, ce qui a permis l’émergence d’une écriture plus souple et accessible.
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