Catégories: Actualité
|
29 août 2024 1 h 06 min

« Le chamanisme façonné en France »

Partager

Dans un grand loft industriel, généralement utilisé pour les danses ou les réceptions, une trentaine de personnes se sont allongées au sol, les yeux voilés, pour respirer en harmonie. Leurs seins s’élèvent puis relâchent l’air avec force, portant par de fortes mélodies enrichies de pulsations tribales. L’encens et les émotions commencent à saturer l’atmosphère. On voit quelques mains se serrer, des jambes bondir, des corps frissonner. Les larmes et les sanglots fusionnent avec des rires. Des hurlements résonnent dans la salle, dont un persistant : « Je t’aime !».
Charlotte Hoefman, jeune femme de 32 ans aux cheveux bruns et au sourire serein, a organisé cet exercice de respiration chamanique au printemps, dans la banlieue de Lyon. Elle explique que lorsqu’on modifie sa respiration jusqu’à l’hyperventilation, le cerveau bascule en état de sommeil, sauf qu’on est éveillé. Elle anime des retraites qui combinent le yoga, le chant des mantras et les méthodes chamaniques comme la respiration ou le voyage au tambour.

Charlotte Hoefman, diplômée de Sciences Po Lyon, a découvert de nouveaux « outils » dans sa vie suite à la mort tragique de son père dans sa vingtaine. Le choc initial l’a laissée immobilisée au lit pendant une demi-année. Finalement, elle a décidé d’acheter un billet aller simple pour le Népal, y voyageant pendant deux ans. Pendant son voyage, elle a escaladé des sommets de plus de 5 000 mètres, expérimenté le yoga en Inde et a été introduite au chamanisme en Mongolie. Ce dernier ayant induit un état de transe en elle grâce aux vibrations du tambour. Cela l’a effrayée au premier abord, mais elle a ensuite appris que ces sons peuvent provoquer des changements d’état de conscience, un phénomène actuellement sous investigation scientifique.

Malgré son attrait pour le chamanisme, Hoefman n’en fait pas mention directe dans ses ateliers ou sur les réseaux sociaux, où elle recense plus de cent mille abonnés. Elle favorise plutôt la notion de « réveil des consciences ». Pour elle, le mot ‘chamanisme’ est sujet à diverses interprétations, allant de l’attente de rencontrer son animal totem à la prise de psychotropes.

En France, le chamanisme revêt différentes formes, des cercles de tambours et festivals, aux « sweat lodges » (huttes de sudation), sorte de sauna indigène américain censé faciliter la communication avec les esprits. Notant cette diversité, l’anthropologue indépendante Laetitia Merli observe que les apprentis chamans ont des parcours variés et qu’ils choisissent et adaptent la tradition qui leur correspond le mieux.