Face à la décision d’Emmanuel Macron d’éliminer l’éventualité d’un Premier Ministre issu du Nouveau Front Populaire, La France Insoumise a réagi en déclarant son intention de déposer une motion de destitution contre Macron. Les leaders de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot, et Manuel Bompard, avaient déjà manifesté leur volonté de mettre fin prématurément au mandat de Macron dans une tribune publiée par La Tribune le 18 août dernier.
Cette procédure de destitution rentre dans le cadre de la réforme constitutionnelle de 2007 et est mise en œuvre par une loi organique établie en 2014. L’article 68 de la constitution française prévoit la cessation anticipée du mandat présidentiel en cas de manquement majeur à ses responsabilités, à un niveau nettement incompatible avec son mandat (l’ancienne formulation requérait une preuve de « haute trahison »). Selon le député Philippe Houillon, rapporteur du projet de loi organique en 2011, cette description vague a été conçue pour des infractions extrêmement graves, tels qu’un refus de promulgation des lois.
Cependant, avant d’en arriver à la destitution, il est nécessaire de suivre une procédure complexe et minutieuse. Alors, quelles sont les étapes à respecter?
Pour lancer une procédure de destitution, les sénateurs ou députés souhaitant le faire sont d’abord tenus de rédiger une proposition de résolution justifiée, en argumentant un « manquement » selon le premier alinéa de l’article 68 de la Constitution. Ils doivent ensuite obtenir les signatures d’au moins un dixième de leur assemblée (c’est-à-dire 58 députés ou 35 sénateurs) pour initier la procédure. Le groupe LFI, disposant de 72 députés à l’Assemblée nationale, pourrait accomplir cette première étape.
Cependant, la deuxième étape est plus complexe. Le bureau de l’assemblée contrôle ensuite la recevabilité de la proposition de résolution. Par exemple, en 2016, l’essai des députés Les Républicains pour mettre fin au mandat de François Hollande n’avait pas franchi cette étape. Actuellement, LFI ne détient pas la majorité au bureau de l’Assemblée nationale. Même si la majorité appartient au NFP, les autres partis de la coalition, en particulier les socialistes, se sont pour le moment tenus à distance de cette proposition de destitution.
Par la suite, c’est à la commission des lois de donner son avis. Si elle approuve la proposition, l’assemblée concernée doit l’adopter à la majorité des deux tiers dans un délai de quinze jours. Cette barre est trop élevée pour LFI et même pour l’ensemble des partis du NFP.
Le processus de la proposition de résolution ne s’arrête pas là, elle est alors transmise à l’autre chambre qui doit suivre les mêmes étapes – consultation de la commission des lois et vote sous quinze jours. Dans le cas présent, c’est presque impossible, en raison de la forte minorité de la gauche au Sénat, et du fait que LFI n’a pas de représentant à ce niveau.
Conformément à l’article 68, une résolution doit être adoptée par les deux assemblées avant de convoquer le « Parlement présenté en tant que Haute Cour », c’est à dire regroupant tous les députés et sénateurs. Un groupe constitué de onze députés et onze sénateurs, sélectionnés par les bureaux de leurs assemblées respectives, forme le bureau de la Haute Cour et supervise ses activités.
Une commission de six vice-présidents de l’Assemblée nationale et de six vice-présidents du Sénat est chargée de recueillir « toute information nécessaire » pour examiner la demande de destitution, avec les mêmes pouvoirs que ceux d’une commission d’enquête, incluant la capacité d’interroger le président. Le rapport de cette commission est donné aux parlementaires formant la Haute Cour dans un délai de quinze jours.
Après des débats qui sont publics, la Haute Cour a la possibilité de destituer le chef de l’Etat. Néanmoins, la destitution requiert un vote à la majorité des deux tiers, c’est-à-dire 617 des 925 parlementaires. Cela implique un consensus transpartisan, une condition qui est actuellement loin d’être remplie.
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