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27 août 2024 20 h 09 min

« Militaire français suspecté d’espionnage arrêté au Burkina »

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Cela fait près de deux semaines que Damien L., un officier de sécurité pour une société minière australienne opérant au Burkina Faso, est en détention et isolé à Ouagadougou. Le 12 août, il a été arrêté par les forces de l’ordre de la capitale burkinabé pour une prétendue irrégularité liée à son visa, qu’il avait utilisé la veille pour rentrer dans le pays afin de commencer un autre cycle d’un mois. Damien, originaire de Normandie, a maintenu cette routine depuis quatre ans.

Malgré les tensions entre Ouagadougou et Paris, il fait partie de l’infime nombre de Français travaillant dans le secteur de la sécurité qui continuent de se rendre au Burkina Faso. Damien, qui a plus de 40 ans, était surveillé par les services de renseignement du régime du Capitaine Ibrahim Traoré qui a pris le pouvoir par un coup d’État en septembre 2022. Sa carrière est intéressante pour eux : entre 2002 et 2007, il a servi pendant cinq ans au sein du 2ème régiment étranger de parachutistes (REP) de Calvi en Corse, atteignant le grade de caporal.

Après avoir quitté la Légion, Damien s’est reconverti dans la sécurité privée, comme beaucoup d’autres parmi ses anciens camarades de la Légion. Il a travaillé sur plusieurs contrats dans divers pays tels que Haïti, l’Irak et le Venezuela, avant de commencer à travailler comme consultant en sécurité pour le secteur minier au Burkina Faso en 2020. Cependant, lors de sa dernière visite, il a été rapidement détenu par des agents de la Direction de la sécurité de l’État (DSE). Des fouilles ont été effectuées dans sa chambre à l’hôtel Lancaster, l’hôtel chic qu’il préfère lorsqu’il est en déplacement à Ouagadougou et qui est également fréquenté par des paramilitaires russes en service au pays.

Le même cas se produit pour ses appareils de communication et son ordinateur personnel. Comme prévu en raison de ses responsabilités présumées, les enquêteurs remarquent que cet ancien militaire français partage des informations sur la situation de la sécurité dans le pays. C’est suffisant pour le suspecter d’espionnage et pour intensifier les investigations sur son réseau et ses différents contacts.

Le pays est infesté par les groupes djihadistes

Il est transféré dans une villa qui sert de centre de détention par la DSE de Ouaga 2000, un quartier de luxe de la capitale. Des responsables de la sécurité burkinabé suspectent qu’il opère secrètement pour le service de renseignement français, ce que plusieurs sources françaises réfutent catégoriquement. Contacté par Le Monde, le Ministère des Affaires Etrangères français n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet.

Le cas de Damien L. vient s’ajouter à celui des quatre agents français de la DGSE qui ont été arrêtés début décembre 2023 à Ouagadougou, sous l’accusation d’espionnage. Ils sont toujours détenus au Burkina Faso et les pourparlers pour leur libération n’ont abouti à rien. Au vu des soupçons des autorités burkinabées à son égard, certains craignent désormais que Damien L. puisse se voir imposer une longue peine de détention.

Près de deux ans après son arrivée au pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré a du mal à rétablir la sécurité dans son pays, infesté par les groupes djihadistes depuis 2015, comme il l’avait promis lors de son coup d’état. Le 24 août, le pays a subi l’un des pires massacres de son histoire à Barsalogho, à 150 km au nord de Ouagadougou, où plusieurs centaines de personnes ont été tuées dans une attaque attribuée au Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida).

Exactement comme ses collègues putschistes, Assimi Goïta du Mali et Abdourahamane Tiani du Niger, le capitaine Traoré a coupé les ponts avec la France et est désormais en bons termes avec la Russie. Il critique souvent des menaces de déstabilisation, tant à l’interne qu’à l’externe, et a instauré un régime qui supprime la liberté. Tous ceux qui sont en opposition à ses façons, civils ou militaires, sont régulièrement arrêtés ou forcés de rejoindre le front. Certains d’entre eux ont même disparu. En mi-août, une poignée d’officiers qui avaient été contraints de participer à une formation en Russie neuf mois auparavant, car ils étaient perçus comme hostiles au gouvernement de M. Traoré, ont été rappelés à Ouagadougou par leurs supérieurs. D’après une source militaire, cinq d’entre eux ont été arrêtés à leur arrivée.