L’histoire des dix nonnes du couvent Santa Clara de la Bretonera est digne d’un script d’un film de Luis Garcia Berlanga (1921-2010), le célèbre réalisateur espagnol des années 60 qui excellait dans la représentation ironique des ressentiments et des rivalités entre des individus extravagants de l’Espagne rurale de l’après-guerre civile. Des protagonistes tels qu’une abbesse ferme résolue à garder « son » couvent même au risque d’un schisme, un faux évêque qui célèbre des messes en latin dans son appartement à Bilbao, un ancien barman qui se fait passer pour un prêtre, des factures démesurément élevées pour des draps de soie attribués aux nonnes, et un ancien évêque brésilien, supporter de Trump, prêt à les secourir. En effet, si le procès mené par le diocèse de Burgos aboutit, les religieuses du monastère de Belorado, un petit village près de Burgos, dans le nord de l’Espagne, pourraient être expulsées.
Tout a commencé le 13 mai 2024, lorsque l’archidiocèse de Burgos a reçu une lettre de l’abbesse Isabel de la Trinidad annonçant que les Clarisses de Belorado quittaient l’Église catholique pour se placer « sous la tutelle et la juridiction » de l' »évêque » Pablo de Rojas.
Dans le village où les nonnes sont réputées et aimées pour les friandises au chocolat qu’elles fabriquent, c’est un grand choc. Cet homme extravagant, prêtre ordonné qui prétend avoir été consacré évêque par l’Église dissidente de Palmar de Troya, a été excommunié en 2019.
En 2005, Pablo de Rojas a établi la secte Pia Union Sancti Pauli Apostoli à Bilbao. Cette secte suit la croyance sédévacantiste, qui soutient que la chaire papale du Vatican est vacante depuis le décès de Pie XII en 1958 et le concile Vatican II; tous les papes suivants étant considérés comme des intrus. De Rojas, admirateur de Franco, anti-vaccins et mégalo prétendant une panoplie de titres honorables, y compris Grand d’Espagne et Duc Impérial, s’est installé comme le nouveau guide spirituel des religieuses, avec un acolyte coloré, José Ceacero, ancien barman célèbre pour ses cocktails, qui se présente en tant que prêtre. Pour ces religieuses, l’actuel Vatican n’est qu’une « plaisanterie » assujettie à des intérêts « maçonniques ». Selon l’archidiocèse de Burgos, derrière l’hérésie se cache une manœuvre immobilière de l’ancienne abbesse pour acheter à crédit un monastère, un projet contrarié par les autorités ecclésiastiques. Pendant plus d’un mois, l’archidiocèse a essayé en vain de convaincre les religieuses de reconsidérer leur position. Le 21 juin, un tribunal ecclésiastique les a convoquées à une audience, qu’elles ont dédaigné. Par télécopie, elles ont réaffirmé leur volonté « unie et irrévocable » de renoncer à l’Église catholique pour trouver une « solution pacifique et extrajudiciaire au conflit » afin de récupérer leurs « droits personnels et patrimoniaux ». Lire la suite de cet article est réservée aux abonnés.
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