Le vendredi 23 août, l’administration du Trésor des États-Unis a lancé une nouvelle vague de sanctions économiques contre des entreprises suspectées de contribuer à l’industrie militaire russe et d’aider les efforts de guerre du Kremlin en Ukraine. Plusieurs filiales de Promtech, un important groupe industriel russe spécialisé dans la création et la fabrication de pièces aéronautiques, spatiales, et de matériel terrestre et marin, ont été spécifiquement visées par les autorités américaines.
Une investigation menée par Le Monde et plusieurs autres médias, le 18 juillet, avait dévoilé les manœuvres de ce groupe pour se fournir en Europe malgré les sanctions internationales. L’enquête avait notamment mis en évidence l’importance de l’ Industrial Technologies Group France (ITGF), une succursale française de Promtech localisée dans les Yvelines, qui s’est pendant des années approvisionnée auprès de fournisseurs européens en composants techniques susceptibles d’être utilisés à des fins militaires, tels que dans des chars, des drones ou des obus.
Suite à l’attaque de l’Ukraine débutée en février 2022, les principales sociétés européennes ont cessé leurs relations avec les entreprises associées à Promtech. Toutefois, le groupe russe a contourné ces restrictions en enregistrant une entreprise en Turquie, Enütek Makina, qui a repris les activités d’ITGF pour poursuivre l’exportation de ces composants vers la Russie.
Vers la fin de 2023, les autorités des États-Unis avaient imposé des sanctions à plusieurs entreprises du groupe Promtech, sans viser directement ses filiales en France et en Turquie. Cela a maintenant changé. Confirmant les informations divulguées par Le Monde et ses associés, le département du Trésor soutient qu’ITGF a collaboré avec Promtech pour « approvisionner en composants électriques provenant des États-Unis ou d’ailleurs » et qu’Enütek Makina « a réalisé des centaines d’envois de technologies, y compris des technologies à double usage de haute importance, comme des circuits électroniques intégrés et des condensateurs en céramique, aux filiales de Promtech qui ont été sanctionnées par les États-Unis. ». De plus, les États-Unis ont aussi identifié d’autres entités en Turquie, en Estonie et à Hong Kong soupçonnées d’être des sociétés couvertes pour le groupe russe.
Interrogé par son avocate, Me Amandine Eritzian, le directeur d’ITGF, Igor Reutov, affirme être « dévasté » par ces sanctions, qui le ciblent directement. Ce ressortissant russe, qui vit en France depuis de nombreuses années, prétend avoir rompu ses relations avec Promtech fin 2021 pour se concentrer sur « le marché français ». Il plaide pour une « naïveté (…) lourde de conséquences » face à de « graves manipulations », et renvoie la responsabilité de la création d’Enütek Makina aux nouveaux propriétaires chinois d’ITGF, Xingze Zhou et Li Xinglin, qu’il prétend « n’avoir jamais rencontré[s] ». La publication de l’enquête du Monde et de ses partenaires ayant « déclenché une réaction directe de la part des partenaires d’ITGF, refusant immédiatement de continuer les relations commerciales », ITGF a été dissoute fin juillet.
Laisser un commentaire