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26 août 2024 2 h 11 min

« Drame ignoré des martyrs de Maillé »

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Lors de cet évènement, Monique Chedozeau n’était qu’une petite fille de 7 ans. Sa maison était à Maillé en Touraine, à la ferme du Moulin, où elle résidait avec ses parents, Henri (53 ans) et Alphonsine (45 ans), ainsi que ses trois frères et sœur: Gilbert (12 ans), Jean-Louis (5 ans) et Christiane (18 ans). Le Moulin était remarquable pour être l’une des plus grandes fermes du village, gérée par Henri qui cultivait de vastes champs environnants. La moisson venait tout juste de se terminer. Ce matin du 25 août 1944, vers 9 heures, la famille fut surpris par le rythme martelant de nombreuses bottes qui approchaient. Bien que habitués aux mouvements des soldats allemands du camp militaire de Nouâtre à proximité, ceux de ce jour-là avaient une sonorité différente.

« Je n’oublierai jamais ce son », raconte Monique Chedozeau, maintenant âgée de 87 ans, depuis sa résidence à Maillé, une blondeur toujours présente dans ses cheveux noués en chignon. « Ma mère, mes frères, ma sœur et moi avons choisi de nous réfugier dans la cave avec nos chiens lorsque nous avons entendu les détonations d’armes à feu, les cris, les flammes dévorantes et les structure de la maison qui s’affaissaient. Mon père et mon oncle ont été assassinés. Se déplaçant de ferme en ferme, l’armée allemande, forte d’environ quatre-vingts hommes, incendia notre maison », témoigne celle qui a survécu à cette tragédie. La mère et ses enfants réussirent à s’échapper de leur demeure en flammes. Ils se dissimulèrent sous un pont, les pieds trempés dans le ruisseau pendant des heures, laissant derrière eux les cadavres de leur père et de leur oncle. « Nous sommes restés immobiles, incapables de faire le moindre bruit, dans un silence absolu. Même nos chiens étaient pétrifiés », se souvient Monique. Elle mentionne également que son plus jeune frère, Jean-Louis, est décédé en 2022.

Dans la durée du matin, les militaires SS vont infiltrer les résidences, les fermes ainsi que les commerces du village pour tuer les habitants – des hommes, des femmes, des enfants et des bébés dans leur lit, et même les animaux. Cent vingt-quatre individus seront tués par balle, à bout portant, à la baïonnette, à la grenade ou à l’arme blanche. Après Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), Maillé est le site d’un des plus grands massacres de civils en France durant la seconde guerre mondiale. Pourtant, l’histoire nationale ne l’a pas retenu, préférant associer cette date à la libération de Paris. Aujourd’hui, Maillé se prépare à commémorer dans l’indifférence générale le triste souvenir du drame qui s’est produit quatre-vingt ans auparavant.

Les moins de 15 ans comptaient au total quarante-huit enfants.

Au-delà de la région de Tours, très peu de personnes sont au courant de cette tragédie. Comme l’explique l’historien Tal Bruttmann, les massacres de civils n’ont laissé que peu de témoins et d’histoire à raconter. Selon une décision politique du général de Gaulle, la violence sur le territoire français n’a pas été commémorée, à la seule exception d’Oradour, dont l’état en ruines et les 643 victimes sont devenues le symbole de la souffrance des civils sous l’occupation allemande. La résistance a également été privilégiée, ce qui a mené à la négligence de ce sujet par les historiens pendant longtemps.

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