La nouvelle de l’arrestation de Pavel Durov, le PDG de Telegram, par la police française s’est propagée comme une traînée de poudre, du Kremlin jusqu’à Silicon Valley, le 25 août dernier. Certains défenseurs de la liberté d’expression, dont le présentateur ultraconservateur Tucker Carlson et Elon Musk, qui soutient Donald Trump, ont qualifié cette arrestation d’attaque directe contre la liberté d’expression. Musk a même allégué que cette situation reflète l’importance du premier amendement de la Constitution américaine qui préserve la liberté d’expression.
D’autre part, divers officiels et politiciens russes ont perçu cette arrestation comme un acte politique, comme l’a souligné Vladislav Davankov, vice-président de la Douma. Cependant, les déclarations de soutien russes omettent de mentionner que c’est la Russie qui a en premier lieu tenté, en vain, de bloquer Telegram en 2018 et que ce sont des alliés du Kremlin qui ont pris contrôle de VKontakte, créé par les frères Durov, en 2014.
Le soir même, un petit groupe de manifestants, qui protestaient pacifiquement devant l’ambassade française à Moscou pour soutenir Durov, ont été arrêtés pour avoir participé à un rassemblement illégal.
De nombreuses critiques ont été lancées contre la France suite à l’arrestation de Pavel Durov, et certaines ne sont pas bien ciblées, volontairement ou non. Tucker Carlson prétend que le directeur général de Telegram a été arrêté pour avoir refusé de « censurer » des opinions politiques, mais ce n’est pas le cas. L’enquête française concerne des crimes classiques, y compris la distribution de contenus pédopornographiques, pas des « crimes d’opinion ». Dans toute démocratie, Durov est présumé innocent jusqu’à preuve du contraire et aura l’opportunité de se défendre lors d’un procès public, s’il est inculpé.
Il n’est pas surprenant que la Russie, où exercer le journalisme peut entraîner une arrestation, essaie d’utiliser cette situation à son avantage grâce à une habile manipulation des faits. Plus surprenant peut-être, c’est qu’elle soit soutenue par certains des entrepreneurs et investisseurs les plus riches de la Silicon Valley. Outre Elon Musk, qui juge que les lois européennes sur la liberté d’expression sont une forme de « censure » et essaie autant que possible de s’y soustraire, des investisseurs influents tels que Shaun Maguire et Paul Graham, qui ont tous deux appuyé Donald Trump, ont critiqué l’arrestation de Durov. Seulement une partie de l’article est accessible, le reste est réservé aux abonnés.