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25 août 2024 10 h 09 min

La Russie fait un retour victorieux en Afrique

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Au cours de la dernière décennie, l’un des bouleversements géopolitiques les plus marquants a été l’expansion russe en Afrique, un événement largement ignoré par les pays occidentaux, préoccupés par les affaires européennes et asiatiques. En une décennie, la Russie a réussi à s’établir, tant sur le plan militaire que diplomatique, en Afrique, réussissant même à supplanter les forces françaises et américaines dans certaines régions du Sahel.

Cette enquête en trois parties, publiée par Le Monde le 21 août, révèle comment ce déploiement, initié par Moscou après l’annexion de la Crimée et le commencement de l’intervention russe en Ukraine en 2014, a été planifié et orchestré par le Kremlin. Le Kremlin a utilisé à son avantage l’héritage soviétique de la Guerre Froide, l’insouciance française et le retrait américain suite à l’échec de la guerre en Irak.

En 2015, la Russie a envoyé des troupes et des forces aériennes en Syrie pour soutenir le régime d’Assad, que les États-Unis avaient cessé de combattre. C’est au Soudan en 2017, puis en République centrafricaine, que la Russie a commencé à mettre en œuvre sa stratégie africaine.

Cette tendance s’est intensifiée à partir de 2020 dans les pays du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger), secoués par une série de coups d’État, tandis que la Russie renforce son contrôle à l’est de la Libye et fait son entrée au Tchad. Cette stratégie repose sur deux outils clés : des campagnes d’influence visant à attiser le ressentiment post-colonial des élites africaines et d’une partie de la population à l’encontre de l’Occident, et l’utilisation de mercenaires de la milice Wagner dans le domaine de la sécurité.

Au cours de ses vingt-quatre ans à la tête de la Russie, Vladimir Poutine n’a visité l’Afrique que trois fois, chaque fois en Afrique du Sud. Cependant, il a orchestré le retour diplomatique de la Russie en Afrique, suite à une longue absence consécutive à la chute de l’URSS. En s’appuyant sur les relations établies avec les futurs dirigeants africains formés par l’URSS, et en capitalisant sur la solidarité de l’ex-puissance soviétique avec les mouvements de libération, Poutine n’a pas eu besoin de voyager lui-même. Au lieu de cela, les leaders africains récemment élus ont souvent été vus faire le voyage jusqu’à Moscou ou Sotchi.

Suite à la confrontation entre Vladimir Poutine et Evgueni Prigojine, le dirigeant de Wagner, qui a disparu lors du crash de son avion le 23 août 2023, deux mois seulement après avoir tenté de se révolter contre le Kremlin, la Russie a revue et réorganisée sa stratégie militaire en Afrique. Wagner a été remplacé par une nouvelle organisation baptisée Africa Corps, et un vice-ministre de la défense a été chargé de gérer exclusivement la politique de sécurité en Afrique. Ce changement a marqué la fin de la sous-traitance par la Russie, qui a commencé à agir de manière plus transparente.

Dans le même temps, les forces françaises qui étaient stationnées au Sahel depuis 2013 à la demande du gouvernement malien de l’époque, ont été sommées de quitter leur poste par les nouvelles juntes au pouvoir. De même, l’installation militaire américaine au Niger a été contrainte de se replier, choisissant la Côte d’Ivoire comme nouveau lieu de déploiement.

L’ignorance de l’Occident face aux désirs de la Russie de Poutine a été une autre leçon, la France n’a pas su apprécier correctement les dynamiques en cours. Les régimes africains pensent avoir retrouvé leur indépendance sous l’ombre de Moscou. Alors que la Russie elle-même n’a aucune intention d’aider au développement économique, elle demeure le principal fournisseur d’armes de l’Afrique, là où elle obtient des contrats miniers et établit un autre théâtre de confrontation contre l’Occident.