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24 août 2024 13 h 11 min

Le navire de son père, solidement arrimé au cadavre d’Aurore

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Consultez tous les épisodes de la série « Tatouages & Moi » à cette adresse. « Ce fut un matin de novembre 2021, mon frère, Lucas, a fait le voyage depuis Lyon pour passer une journée à Paris. On avait planifié cette rencontre depuis longtemps. Avant notre session de tatouage, nous avons partagé un café. Nous avons décidé de nous faire tatouer le même design au même endroit. Un paysage noir et blanc minimaliste d’un bateau navigant près du rocher de Fastnet et de son phare emblématique, situé à l’extrémité sud de l’Irlande.

J’ai été la première à passer. Pour détourner mon attention de la douleur, je me souviens d’avoir compté les carreaux du sol du studio de tatouage. Puis ce fut le tour de mon frère, qui a souffert tout le long de la session. Il a choisi de le faire sous les côtes, une zone très délicate. Je, de mon côté, l’avais fait un peu plus sur le côté, sachant que je voulais un autre enfant et que je ne devais pas choisir un endroit où la peau pourrait se tendre à cause de la grossesse.

L’intensité de nos émotions quand nous avons vu ce que ça donnait sur nos corps était inattendue. On s’est embrassé en pleurant. C’était le point culminant de notre projet commun et le résultat final était exactement ce que nous désirions. Un design assez simple, légèrement triste, caché, car il fait allusion à une histoire personnelle. «  » »

Voici une petite « carte imaginaire » dédiée à mon papa, Patrick, qui nous a quittés suite à un cancer en mars 2020 à l’âge de 62 ans. Il occupait un poste de chef des ventes dans une entreprise familiale de peinture située à Montélimar dans la Drôme. Patrick était un homme de nombreux intérêts dont la musique, le golf et avant tout, la navigation. Il était issu d’un milieu modeste et avait découvert l’art de naviguer lors d’un camp de vacances en Bretagne, précisément dans l’archipel des Glénan. Malgré son amour pour la voile, il n’a jamais possédé son propre bateau, cela lui semblant un signe ostentatoire de richesse, cependant, il saisissait chaque opportunité pour aller voguer en équipe.

Le vieux marin
En tant qu’enfants, nous ne partagions pas sa passion pour la navigation, majoritairement du fait que nous ne vivions pas près de l’océan et d’autant plus à cause de la sensation de mal de mer qu’expérimentait ma mère, enseignante de danse. Plus il avançait dans la cinquantaine, plus il passait de temps en mer, car nous étions soit adultes soit déjà autonomes. Tel un vieux marin, il envisageait fréquemment de se tatouer le phare en granit, un monument célèbre parmi les routards marins, ou encore nos trois prénoms. Toutefois, il n’a jamais concrétisé cette idée, qui s’est transformée en blague récurrente au sein de notre famille.

À la suite de son décès, l’idée de graver sur ma peau un souvenir de lui m’est venue. J’ai envisagé plusieurs motifs, une rose de son jardin, son autographe, un mot et finalement, je me suis décidée pour le phare. Mon frère partageait cette volonté de conserver une marque de lui et de garder près du coeur quelque chose qui lui tenait à coeur. Ma soeur aînée appréciait la symbolique du geste mais n’était pas encore prête à franchir le pas.

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