Anne Chantry est une membre éminente d’un cercle très restreint : elle est l’une des trois sages-femmes enseignantes universitaires en France. Corinne Dupont a été la première à emprunter cette voie en 2021, suivie de Anne Rousseau l’année suivante et Anne Chantry, alors âgée de 41 ans, l’année suivante. Avant ces nominations, en 2020, elle était maître de conférences. Il fut un temps où le concept de sage-femme en tant que chercheuse semblait étrange.
La route n’a pas toujours été des plus simples, comme le souligne cette pionnière. « Nous n’avions pas d’exemples à suivre. Nous avons dû prouver notre habilité à conduire des études de recherche en fonction de nos projets, nos profils et notre dévouement au travail », confie celle qui est aujourd’hui à la fois enseignante et chercheuse à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) au sein de l’unité Epopé (épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique), ainsi qu’au département universitaire de maïeutique de la faculté de santé de l’université Paris Cité où elle enseigne.
En 2013, elle défend sa thèse concernant la sévérité de la morbidité maternelle – tous les soucis de santé en relation avec la grossesse ou l’accouchement. Suite à cela, elle décide de réorienter ses travaux de recherche vers les cas de grossesse à faible risque et la diminution du nombre d’interventions pendant la grossesse et l’accouchement, tout en garantissant un haut niveau de sécurité des soins pour les mères et leur bébé. « Plus de 70 % des femmes ne présentent pas de facteurs de risque pendant leur grossesse. Cependant, on les traite en fonction de protocoles conçus pour les femmes à haut risque », explique-t-elle. Par exemple, le nombre d’échographies. Bien que la France en recommande trois, 49 % des femmes affirment en avoir subi six ou plus, selon l’enquête nationale périnatale de l’Inserm (2021). Autre exemple, l’administration d’ocytocine pour réduire le temps du travail lors de l’accouchement, alors que des recherches ont démontré que cette pratique augmente le risque d’hémorragie post-partum.
François Goffinet considère ces recherches comme étant « fondamentales ». Ce gynécologue et obstétricien, chef du service de maternité à Port-Royal, à Paris, a toujours soutenu les sages-femmes qui voulaient se lancer dans la recherche. À propos d’Anne Chantry, il loue son « engagement dans l’unité et à l’école » ainsi que sa « persévérance » et sa « combattivité ».
Le verre est à moitié plein.
La mère d’un garçon de sept ans ne se complaît pas dans le malheur, ni n’attend les bras croisés l’évolution des choses. « Anne est une combattante, selon Camille Le Ray, gynécologue obstétricienne à Port-Royal. Certains peuvent la considérer obstinée, mais son persévérance et son dévouement ont grandement contribué au progrès de la profession. »
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