« C’est à l’est de Soweto, sur un terrain abandonné, que l’on entend le cri des pneus s’échappant de la voiture de Nalo Jivhuho, une spinneuse de 40 ans. À travers denses nuées de fumée, cette femme au débardeur et aux longues tresses exécute des acrobaties avec son bolide, une BMW noire imprimée de son emblème. Sous son alter ego « Dankie Darlie », elle est une figure reconnue de la scène de rodéo automobile en dynamisant l’air avec ses dérapages, ses figures en « donuts » (cercles) et ses impulsions soudaines.
Au milieu de l’intensité du moment, sa croix au cou oscille et son bras gauche, orné de tatouages, dicte le rythme. « Quand la foule entend le son d’un pneu qui éclate, l’excitation atteint des sommets. Si vous réussissez à susciter cela, cela signifie que vous êtes sur le feu », partage-t-elle animée, elle qui est également la mère d’un adolescent.
Nalo est parmi les quelques femmes spinneuse en Afrique du Sud, cependant, elle fait l’objet d’un respect et d’une admiration dans la sphère. Née à Soweto durant la période d’apartheid, elle a vu le spinning, initialement lié au gangstérisme, gagner ses lettres de noblesse en devenant l’un des sports les plus prisés du pays. Le but ? Exécuter cascades, figures stylisées et dérapages jusqu’à l’éclatement d’un pneu.
« Exprimer ma féminité »,
Une équipe totalement masculine s’occupe de la préparation des voitures quelques heures avant sa séance d’entraînement dans l’immense township, toutes stationnées à proximité de sa résidence. « Dankie Darlie » donne la mesure. »
Nqobile Tshabalala, un mécanicien qui l’aide à maintenir ses BMW, dit en plaisantant qu’elle pourrait vous assassiner si vous touchez à ses voitures. « J’ai la fortune d’avoir des personnes à mes côtés qui me soutiennent, parce que ce passe-temps est extrêmement onéreux. En l’absence de leur aide, “Dankie Darlie” n’aurait pas vu le jour.” Quand elle parle d’elle-même à la troisième personne, c’est pour différencier la reine du circuit de Nalo, qui dans la vie quotidienne, travaille dans les ressources humaines d’une société.
Dans ce monde aux effluves d’essence, elle exprime également sa féminité. « Je suis un modèle pour les jeunes filles, ce qui est fondamental car nous sommes peu nombreuses dans ce sport », elle révèle. Nalo a une préoccupation unique : elle ne veut pas être perçue comme « l’une des mecs ». « Il m’arrive parfois de faire du spinning en robe ou en jupe. Cependant, je ne peux absolument pas conduire avec des faux ongles », qui sont très populaires ici.
Elle retrace son parcours depuis ses premiers pas en 2019, les mains sur le volant. « C’est incroyable, regardez la voiture que je conduis maintenant, elle ressemble à une voiture masculine. Et j’en ai quatre à mon actif ! » elle déclare avec fierté.
« Du tapage et beaucoup de fumée »
L’atmosphère est festive cet après-midi sur un circuit du sud de Johannesburg. Des familles et groupes d’amis, entre glacières et chichas, acclament les spinneurs venus de partout. Le vacarme accompagné des odeurs de caoutchouc brûlé et de gaz d’échappement génère l’ivresse désirée. « Je suis un fan de tout ce qui fait du bruit et produit beaucoup de fumée! » annonce Chahid, qui regarde le spectacle depuis son stand de burgers.
Autrefois, les spinneurs arpentaient les rues des townships pour des rodéos clandestins. Aujourd’hui, ils organisent des spectacles pour des centaines d’enthousiastes, accompagnés parfois de cascadeurs qui interagissent avec la voiture comme une danse organisée. Iksaan « Iki » Khan, un spinneur professionnel, partage qu’avant ils faisaient du spinning dans la rue, mais avec les événements officiels, ils ont plus d’opportunités et de temps pour s’entraîner. En Afrique du Sud, le spinning est reconnu comme un sport automobile depuis 2014 et cherche à obtenir une reconnaissance officielle tout en attirant des sponsors. Gayton McKenzie, le nouveau ministre des sports, a annoncé en juillet qu’il souhaitait en faire l’un des sports les plus importants. « Le spinning est en pleine expansion. Le temps est venu de le montrer au monde entier, » déclare Monde Hashe, propriétaire du premier lieu officiel de spinning à Johannesburg. Consultez les dernières séries du Monde Afrique ici.
Laisser un commentaire